je vais faire un petit tour

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jeudi, mars 29, 2007

Contraste, vous avez dit contraste ?

C'était un dimanche. Le soir. Après la tombée de la nuit. J'étais sur le bateau d'à côté. Un First arrivé là deux semaines auparavant mais dont j'ai découvert les propriétaires seulement deux jours plus tôt. Un couple franco-brésilien. Renaud et Isabelle habite Port-au-Prince. Isabelle travaille à l'Ambassade du Brésil. Renaud l'a suit de poste en poste un peu partout dans la monde, et depuis peu, avec son bateau qu'il vient d'amener de Lisbonne par la mer. Ce deuxième apéritif à bord de Palatino permet de faire mieux connaissance. Surtout, Renaud me fait une proposition que je ne peux refuser. Il me demande de l'accompagner dans son convoyage vers Port-au-Prince le week end suivant. Une belle opportunité. Naviguer va m'aérer les neurones et les mettre en vacances de la vie à l'orphelinat. Voyager va me permettre de découvrir le vrai Haïti bien loin de l'île à Vache, même si les grandes lignes sont évidemment communes.

Nous partons donc à l'aube, le samedi suivant. Je n'ai pu me connecter sur internet pour envoyer mes textes hebdomadaires. Il devait en être ainsi. Aération complète des neurones… Première étape prévue : Port Salut, juste derrière la Pointe à Gravots à une quinzaine de milles. Une petite ville bordée d'une longue langue de sable blanc et de cocotiers. Nous faisons une approche prudente devant le peu de fond puis un pi stop baignade autour du bateau encore sous grand-voile et sans ancre. La route est encore longue et nous la reprenons en pointant l'étrave vers le cap Tiburon, extrême ouest du pays, à 80 milles de la Jamaïque.

Discussions sur moult sujets ( la veille, Renaud m'avait fait un brillant exposé sur les situations au Brésil et en Haïti), lecture, manœuvres car le temps est changeant ou rêverie en regardant le paysage peuplée encore de gros pieds mangos (la déforestation ne serait-elle pas aussi importante qu'on le laisse croire ?). La nuit approche vite accompagné d'un superbe grain qui nettoie efficacement le bateau mais nous prive du coucher de soleil. On ne s'arrête pas pour la nuit. La côte sud n'est parait-il pas très sûre du fait des trafic de drogue venant de Jamaïque. Pas de témoins est le maître mots de ces commerçants illicites… Pourtant, à l'île à Vache, les chaloupes jamaïcaines arrive en plein jour et débarque la marchandise sous les yeux de tout le monde. Marijuana et cocaïne rejoigne le marché américain via la Grande Terre saint Domingue ou l'île de la Tortue au nord.

Avec la nuit et la pluie, le vent soutenu nous oblige à tirer des bords. J'avais oublié comment un voilier pouvait gîter quand il n'avait qu'une seule coque… Le petit matin nous voit loin de Jérémi que, pourtant, nous voulions apercevoir. On met le cap alors sur Pestel, petit village multicolore accroché aux pentes des montagnes au fin fond d'une baie protégée par une île et des barrières de corail. Nous croisons quelques pêcheurs, deux villages mais n'apercevons que de très loin les petites taches de couleurs. Sans carte précise et avec sagesse, Renaud ne veut s'aventurer plus loin. Nous pointons l'étrave vers la pointe orientale de l'île de la Gonave qui ferme la baie de Port-au-Prince. Le vent est faible. La navigation tranquille. Mais la pluie tropicale est plus que jamais là. Elle ne nous quittera qu'en deuxième moitié de nuit. A l'intérieur, je finis mon roman puis me plonge dans quelques magazines nautiques que je n'avais feuilleté depuis fort longtemps. Impressions bizarres d'un passé lointain…

Au milieu de la nuit, nous mouillons sur des haut fonds à un gros mille de Gonave, en plein milieu de l'eau. Nous plongeons avec ravissement dans les bras de Morphée bercés par un léger clapotis. Quelques heures plus tard, l'aube me tire de ma couchette. Je suis seul sur le pont. Le soleil levant se trouve une place entre les gros nuages pour colorer le décor. La mer est d'huile. Quelques pêcheurs essayent tant bien que mal d'avancer à la voile, d'autres ont choisis les avirons. Décidément, j'aime ces instants où l'on se réveille tranquillement face à ce spectacle merveilleux et magique. En regardant, je déguste mon chadec juteux. Renaud sort bientôt de sa cabine. Petit café. On relève l'ancre et on met le cap vers une marina dont on ne connaît qu'approximativement la position. Un coup de téléphone à un ami (savez-vous que malgré la situation du pays, il est une activité économique qui fonctionne à merveille ? La téléphonie mobile. Les antennes fleurissent partout et comme chez nous les opérateurs savent rendre indispensable cet outil avec des prix vraiment mini. On mange mal mais on se téléphone…) nous déroute de notre but. L'endroit est à l'abandon et plus très sûr. L'ami en question nous conseille d'appeler une connaissance à lui qui a un mouillage devant chez lui. Au bout de quelques heures de moteur, nous arrivons devant la maison sans prétention de Hervé. Le bateau est amarré à un gros corps mort, en sécurité. Les présentations se font devant une bière. Hervé est franco-québécois. Il est arrivé en Haïti il y a 21 ans. Aujourd'hui, il s'occupe d'une entreprise de gardiennage qui travaille dans tout le pays. Personnage sympathique, loin des préjugés que l'on pourrait avoir du responsable d'une telle entreprise, il retape un voilier en acier de quinze mètres sur ber juste devant chez lui. Dans quelques semaines la mise à l'eau…

Après le repas, on a rejoint la capitale à une heure en voiture. La route longe la cote qui suit les reliefs désertifiés totalement. Dire qu'ici c'était il y a des dizaines d'année de la forêt tropicale. Il n'y a plus rien, que la terre rouge orangé et de la caillasse. Après l'abatage des arbres, le soleil et la pluie on fait leur travail. Tout est sec et raviné. C'est très impressionnant. Les villages que l'on traverse se ressemble : kays en béton et toit de tôle, poubelles au bord des rues, marché permanent sur les trottoirs. De temps en temps, on voit des blindés et des soldats de l'ONU, venu pacifier le pays.

On rentre dans Port au Prince. Des bouchons, un grouillement de la population partout, les petits commerces tout le long des rues. L'économie se passe ici, dans la rue. Rien n'est officiel. On ne s'attarde pas. Renaud et moi sommes fatigués et l'on prend la route des hauteurs. Comme dans de nombreuses villes, les quartiers aisés sont sur les hauteurs. Pétionville est la banlieue chic de Port au Prince. Ici, les grandes villas avec piscine dominent. Elles sont quelquefois surveillées par des gardiens en armes. C'est ici aussi que prône au sommet du morne l'hôtel de luxe qui accueille les cadres des missions de l'ONU ou les acteurs des ONG. On croise de partout les gros 4X4 de l'ONU, de Médecin du Monde ou de la Croix Rouge. Malgré tout, les bidonvilles gagnent. Les pentes trop abruptes pour y installer les belles maisons sont de plus en plus colonisées par les pauvres, un peu comme à Rio sauf qu'ici les maisons sont en parpaing et tôle et pas en bois…

La maison d'Isabelle et Renaud n'est pas la moins agréable : grand jardin arboré, piscine, vastes pièces aérées. Nous sommes dans un autre monde… Le soir, nous irons dîné dans un des restaurants en vue de Pétionville, avec Ronald un collègue d'Isabelle qui me sidère par sa connaissance de l'histoire européenne. Les autres clients viennent de l'ONU et d'ONG. Les plats libanais sont délicieux, la pina colada aussi. Ça me change du réfectoire de l'orphelinat…

Une longue nuit réparatrice clôturée par mon chi kong dans le jardin et une petite conversation avec un vieil arbre. Le plein d'énergie. D'ici, on domine tout Port au Prince et la baie. On pourrait presque voir le bateau s'il n'y avait cette brume. Petit déjeuner en terrasse puis nous partons pour la visite de Port au Prince. D'abord, Renaud va s'inquiéter de la santé de la cuisinière de la maison. On pénètre dans un de ces quartier populaire qui ont été construit il y a moins de deux ans sur les coteaux non stabilisés de Pétionville. Le support de construction y est un mélange de détritus et de terre. Je n'ose imaginer ce que toutes ces habitations relativement confortables deviendront au prochain passage de cyclone ou de gros front pluvieux. Une belle catastrophe en perspective.

Descente en ville. La cohue désorganisée est partout. On croit retrouver les traces de fastes passés sur les façades de maison. Il y a des poubelles partout dans les rues malgré un service de nettoyage remit en place par l'ONU. Il y a des hommes en arme un peu partout. Il y a quelques mois, certains quartiers étaient impénétrables. Le Champ de Mars, le monument non terminé du bicentenaire de l'indépendance, le palais présidentiel, les ministères côtoient la misère en quelques mètres. C'est vraiment marquant. On s'arrête à la cathédrale où des peintres naïfs se sont occupés de la décoration. Des scènes bibliques, comme à la chapelle Sixtine, tapissent les murs mais à la manière naïve. J'ai adoré, surtout les apôtres noirs… Petit tour sur le port où face aux quelques cargos qui viennent encore ici, s'étend un immense marché où tout ce qui descend des bateaux se vend. L'odeur est impressionnante et repoussante. Les amas de poubelles aussi. Mais la vie est là. Toujours dans la rue. Toutes les activités s'y rejoignent : petits commerces, ébénisterie, vente de pneu ou autre, garage pour véhicules… Rien n'est officiel. Tout est sous terrain. L'économie d'Haïti n'existe pas parce qu'elle n'est pas connue et recensée. Nous allons manger dans le restaurant mythique de Port au Prince, l'hôtel Olofsson, lieu d'action d'un roman de Graham Greene qui s'y installait souvent. C'est un haut lieu de la culture vaudou aussi… Le tout Port au Prince s'y côtoie. En tout cas, le punch y est fort bien dosé. Cela fait déjà quelques mois que je n'avais consommé autant d'alcool… L'après midi est dédiée aux hauteurs pour terminer par la visite à un couple d'antiquaires belges fort sympathique installés là depuis 25 ans. Leur maison relativement modeste est souvent le lieu de rendez-vous de nombre de francophone de Pétionville. La journée se termine à la maison par un dîné tranquille. J'avoue que mon passage en Haïti aurait été frustré sans ce passage à Port au Prince.

Le lendemain à l'aube, Denis le chauffeur m'emmène prendre mon bus pour Les Cayes près du port. J'embarque. Le chauffeur attend que le bus soit plein comme dans beaucoup d'autre pays. Nous longeons quelques bidonvilles. Les lits des rivières sont jonchés de toute sorte de détritus qui vont se déverser dans la mer à quelques centaines de mètres. Régulièrement les courts d'eau sont curetés pour éviter trop d'inondation. La route longe la mer avec les mêmes décors pendant des kilomètres. Puis vient la campagne, les arbres, les cultures et quelques bourgs.

Dans le bus il fait chaud, très chaud. C'est aussi très inconfortable mais l'on s'y fait. Nous sommes tous serrés sur les banquettes. La route est truffée de nids de poule. Le chauffeur fait du slalom. Nous grimpons bientôt. La mer disparaît. Les mornes sont de nouveau boisés. Les champs bien cultivés. On croise quelques rizières, des bananeraies. C'est rassérénant. Je m'endors quelque peu. La route est encore longue et les heures de sommeil ont été réduites. Nous retrouvons la mer après le passage d'un petit col. La Caraïbe. Celle de l'île à Vache. On descend vers la côte puis nous remontons pour atteindre enfin Les Cayes. J'ai plaisirs à retrouver la ville. Moto taxi. Débarcadère. Il me paraît presque propre après Port au Prince… Embarquement. L'île à Vache n'est plus qu'à une heure. J'ai grand plaisir à retrouver sa douceur…

A tout à l'heure

 

PS je n'ai aucune photo de Port au Prince ni du convoyage. Désolé…

IL n'est pas trop tard pour parrainer un enfant de l'île à Vache ou financer la reconstruction du mur d'enceinte… Bien au contraire. Pour les peureux, le compte sur lequel se font les virements est au nom de Sœur Flora et les fonds sont ensuite viré régulièrement sur son compte à la Sogébank ici en Haïti.C'est donc du direct. De même, l'association l'Ile aux enfants d'Haïti créée par Anthony, le premier pensionnaire de Flora, et Céline, sa femme, peut être le support de vos dons. Merci encore aux quelques qui ont parrainer et à ceux qui ont financer les 12 premier % du mur…

mercredi, mars 28, 2007

Un doute...

C'était un lundi. Exceptionnellement, je rejoignais l'orphelinat ce matin là plutôt que la veille comme à mon habitude. L'envie de rester   tout le dimanche tranquille certainement. La journée s'annonçait belle mais je n'étais pas dans des dispositions d'esprit aussi claire qu'à l'habitude. Le réveil avait été un peu nuageux. Je m'étais levé en doutant et mon doute s'agrandissait en même temps que le soleil montait.. A l'origine de ce doute, somme toute désagréable, la demande de parrainages pour les enfants et de fond pour ce mur qui , je le souhaite plus que jamais, sera bientôt en cours d'érection. Plus que le peu de réponses qui me paraît normal, c'est la réponse d'un ami très cher, que j'écoute toujours beaucoup et qui m'a répondu par la négative. La raison avancée était qu'il ne voyait pas pourquoi il le ferait aujourd'hui alors qu'il n'en avait jamais éprouvé l'envie auparavant, que sous prétexte que ce soit moi qui envoyait la demande, il fallait dire oui… Il ajoutait que sa réaction était peut-être très égoïste mais que c'était ainsi… S'investissant beaucoup par ailleurs et dans des actions directement utile pour améliorer la vie dans notre beau pays, je lui répondais que je comprenais (même sans ça j'aurai compris d'ailleurs…) et que, au fond, mon action, quelque part, était aussi égoïste, puisque tout cela me fait avancer intérieurement.

L'échange avait fait du chemin après deux jours et je ressentais ce matin là un malaise qui allait grandissant : « Pourquoi, effectivement, donner de l'argent à l'orphelinat de Flora plus qu'à tout autre au monde, plus qu'à toute autre action dite humanitaire à travers le monde ? Simplement par ma présence ici ? Simplement, parce que je le demandais ? En quoi ma présence ici suffit à ce que l'action de Flora soit juste   et mérite l'aide de ceux que je connais ? D'ailleurs cette action l'était-elle juste ? Après tout, comme toute action envers les autres, qu'ils soient déshérités ou non, l'action de Flora peut être discutable dans la motivation première, dans les méthodes et forcément dans les résultats. Quant à mon rôle ici, quelques rangements, certes utiles mais qui ne dureront peut-être pas, un peu d'énergie pour amener quelques moyens en plus et mettre en mouvement certaines choses, du temps et de l'amour pour des timounes en demande et qui le rendent au centuple. Rien de bien glorieux finalement.

Plus j'avançais sur le chemin de l'orphelinat, plus ces doutes m'envahissaient sans trouver de réponses. Je fis une petite pause au marché de Madame Bernard pour l'achat de mes chadecs et de quelques mangues pour les timounes et j'abordais la côte menant à l'orphelinat avec l'humeur un peu sombre. Les premiers échanges de mots avec Michel me plongeaient encore plus profondément dans le noir. Il n'était pas en meilleure disposition que moi et s'inquiétait encore et toujours sur l'avenir du programme de bain de Canobert.

Et puis arrivèrent une bande de joyeux sexagénaires Québécois habitués de l'île, dont Jean-Pierre qui prête le terrain de l'ajoupa à Canobert et chez qui j'aime bien faire une petite pause lors de mes aller retour Madame Bernard Cacoq, et Richard, sourcier dont Michel m'avait parlé. On discute longuement de chose et d'autre dans l'atelier de Michel, mais surtout du puit qui est en train d'être creusé pour alimenter le nouveau bâtiment en construction. Et là, je découvre un Richard qui ne se pose pas de questions sur le fait de savoir si il est bon ou non de creuser des puits ici ou ailleurs en Haïti, comme dans la belle province d'ailleurs. Il le fait, et plutôt bien, parce que la vie l'a mené à la fois en Haïti et à découvrir, grâce à son ouverture au monde, des filets d'eau souterrain.

Je sentais le cercle infernal dans lequel mon cerveau s'embourbait depuis le matin, s'atténuer peu à peu. L'entrée dans le lieu de vie avec quelques vivats d'enfants suivis de gros câlins sourire l'effaça presque. Mais il fallut mon passage à la citadelle en fin d'après midi pour effacer tout ombre de doute et m'ancrer encore plus dans mes certitudes quant au bien fondé de ma présence et de mon action ici. Si je suis ici, c'est que le chemin de la vie m'y a mené, certainement pour agir comme j'y agis, avec l'imperfection normal et logique de toute action. Mais, surtout, ce chemin m'ayant mené ici dans cet orphelinat, cette action devait se faire avec le plus de cœur et d'efficacité possible. Evidemment mon égo prend énormément à agir ainsi mais je crois que je donne aussi énormément et que tout ce qui est donné n'est jamais vraiment perdu.

Alors à la question et à la réponse qui m'ont fait douté, bénéfiquement (comme d'ailleurs tous les doutes que ce redoutable personnage me met régulièrement en tête…), je répondrai : d'abord que ce n'est pas parce que l'on a jamais parrainé d'enfants que l'on ne doit pas le faire aujourd'hui et que c'est l'occasion qui fait le larron ; ensuite, oui, le fait que ce soit moi qui demande les parrainages, ce devrait suffire pour vous engager si vous en avez envie., au moins avec la confiance que notre amitié devrait induire. Le circuit de l'argent, l'efficacité de son utilisation (en terme de pourcentage d'utilisation réelle) est sans aucun problème beaucoup plus efficace que nombre de grande ONG dont une partie de l'argent plus ou moins importante s'envole dans le luxe de repas ou de chambre d'hôtel hors de prix…

Et puis qu'importe ! Je suis ici. J'essaye de faire ce que je peux, de mon mieux, en m'investissant le plus possible pour ne pas avoir de regret parce que je ne recommencerais peut-être pas et que de toute façon demain il sera trop tard. J'ai souvent été du côté des beaux parleurs, de ceux qui savent ce qu'il faut faire en restant dans leur fauteuil. Aujourd'hui, la réalité   est là avec ses imperfections, avec les imperfections des êtres, avec les imperfections des cultures, avec les imperfections des actions, et il faut faire avec si l'on veut avancer. En essayant d'améliorer un tant soit peu mais avec… En agissant, en apportant sa petite pierre à l'édifice parce que les idées s'améliorent confrontées à la réalité. Et puis si chacun agit ainsi, au quotidien, pour essayer d'améliorer le monde et bien je crois que le monde sera meilleur demain…

A tout à l'heure

 

PS : Le soir de ce jour bénit, nous sommes allé avec Michel manger chez les joyeux Québécois. Et on a bien ri. On est allé aussi faire un tour en mer sur GCV deux jours plus tard et c'était pas mal non plus. Et puis le sourcier m'a appris à parler avec les arbres… Alors là c'est le summum… Méci anpil !

samedi, mars 17, 2007

Des courses aux Cayes

C'était un jeudi. Pour construire des étagères destinées à accueillir carton de dons en tout genre et surtout que cette profusion de fatras occidental soit un minimum ranger pour pouvoir être utilisé, nous partions pour Les Cayes, Saint Hubert, Petit Bonhomme, deux pensionnaires de Flora apprentis en menuiserie/ébénisterie, et moi. Pour revenir avec le matériel, une chaloupe a été affrétée par l'orphelinat à mes frais. Mais, problème de donneur d'ordre, la chaloupe n'est pas assez grande pour ramener les blocs (parpaings), planches et ciment. Pas grave, la chaloupe sert à faire traverser quelques personnes dont Michel, Captain Jean qui va faire quelques courses, Madillon, le directeur de l'école, des frères et deux femmes qui s'occupe de l'association des femmes de l'île à Vache.

L'arrivée aux Cayes est toujours aussi folklorique avec ce tas d'immondices toujours aussi ragoûtant. Petit passage à l'évêché pour voir s'il y a du courrier puis direction la banque pour pourvoir payer nos achats. Petit Bonhomme (1,85m, on a le surnom qu'on peut) m'attend sur le trottoir pendant que Saint Hubert est déjà à la menuiserie. Je sors avec mes grosses liasses dans les poches de mon bermuda. Un peu plus d'un an de salaire pour un Haïtien. Je ne suis pas forcément très fier et le serait encore moins quand il faudra sortir les liasses tout à l'heure.

On retrouve Saint Hubert à une première menuiserie où il est aller chercher des planches pour faire un cercueil pour un timoun puis on se dirige vers le Lycée professionnel pour acheter notre bois. Traversée de rues rendues boueuses par un énorme orage qui a éclaté la veille au soir. De la citadelle, où j'étais pour méditer comme souvent en fin d'après midi, c'était vraiment très beau. Mais le résultat est là. Mes claquettes collent au sol et je n'ose pas me balader pieds nus tant toute sorte de chose gisent dans la boue. On accède enfin au Lycée. Choix des planches et négociations sous le soleil brûlant. On trouve tout ce qu'on veut au bon prix. Les planches seront découpées et rabotées pour le lendemain matin. Saint Hubert les récupérera ainsi que le reste de l'approvisionnement.

Reste les blocs. Les fabricants sont dans la banlieue des Cayes. On prend deux mob taxis. Sur l'une, Saint Hubert et moi. Sur l'autre Petit Bonhomme. En parcourant ces rues que je découvre, j'ai l'impression de voir un autres pays qui vit différemment. Un peu comme quand on passe du Lot à Paris… C'est chouette et mes yeux regarde partout me faisant oublier les zig zag de notre pilote entre les piétons, les vélos et les quelques voitures. Premier essais, rupture de stock. Ça construit dur aux Cayes. On continue sur le grand boulevard goudronné (le seul que j'ai vu jusqu'à présent) et très encombré puis on s'engage vers un quartier résidentiel. De belles maisons sont en cours de construction. Cela contraste avec les petites maisons délabrées du centre ville. Le fabricant de blocs est installé au milieu d'une vingtaine de maison. Ça réduit les frais de port… On choisit les blocs. Je paye. Tout sera au débarcadère le lendemain matin à 8h. On retourne en centre ville pour récupérer du ciment pour l'orphelinat et des planches de contreplaqué pour des lits… A une heure tout est fini. J'invite les gars à venir boire un Coca (et oui…) dans le bar chic de la ville. Ils sont contents et fiers.

On laisse Saint Hubert et on rejoint le débarcadère où nous attendent Captain Jean, les frères et Osny, un des protégés de Flora qui étudie aux Cayes. Le retour n'est pas facile pour moi. Je digère mal le Coca que je n'ai jamais aimé. Mais, bon, ça passe vite et mes tripes n'ont fait qu'une bouchée de cette boisson infecte et symbolique de l'impérialisme. Heureusement, Flora m'a fait gardé un peu de riz avec de la sauce. Ça me remet tout d'équerre. Je retrouve ma chambre pour un petit dormi. Claudanise et   James Li m'attendent pour peindre. C'est cool. « Allez, pas trop de bruit les timoun et ad 'taleur »

A tout à l'heure

 

PS : Après Didier à l'hôtel Port Morgan et Michel, qui me voyait bien en repreneur de relais pour être volontaire à mi temps pour les 10 années à venir, c'est Flora qui m'a dit que je ne pourrai pas faire autrement de revenir pour continuer ce que j'ai commencé… Et puis,il y a eu Etienne et Dunol qui chacun leur tour, voyant que j'aimais bien la citadelle, ce morne d'où l'on domine toute l'île, m'ont suggéré de construire une grande kay ici où je viendrai habiter et où ils pourraient venir quand ils voudraient… J'ai pas dit oui, j'ai pas dit non. J'ai dit c'est la vie qui décidera. Juste pour dire que je reste un peu avec eux, j'ai décidé de planté un arbre là haut, sur le morne pelé avant que d'autres viennent le rejoindre. Et puis, je m'attelle à faire bien ce que j'ai engagé pour ce séjour. Après, c'est un autre jour…

Rien à voir mais aller faire un petit tour par là…   http://www.programme-bayrou.org C'est amusant.

Le canote à Lifen

C'était un dimanche. J'avais bien dormi. En voyant le ciel bleu, la lumière encore dorée, le sourire me vint tout seul, comme souvent…

Grand Citron Vert était calme et se réveillait tranquillement en se mouvant autour de son ancre. Intérieurement, je savais que nous n'allions pas travailler pour l'hôtel. Mais qu'importe. Cela me laissait du temps pour écrire, peindre ou autre.

Après le petit déjeuner, Lifen est venu avec un grand sourire. C'était le grand jour pour lui. Il avait fini de faire coudre ses voiles. Son mât était gréé sur son canote. Il l'avait essayé la veille. Mais, aujourd'hui, il voulait m'emmener… Quand j'eu la confirmation de l'hôtel, le sourire de Lifen redoubla. Qu'importe les 100 dollars Haïtien qui s'envolait avec la nouvelle, la navigation avec moi sur son canote était plus importante. « Je viens te chercher à 11h missié Patrick » « Patrick Lifen, siouplé, Patrick sans Missié »

11h pétante, le canote s'amarre à GCV. Je ne suis pas à bord. Didier, à l'hôtel, m'entretien du fait que je pourrai m'installer là, dans la petite kay près de la plage, qu'il lui faudrait un mec comme moi, mais en indépendant, pour organiser les loisirs des clients : voile, cheval, plongée… « Et puis, tu pourrais organiser des courses de bâtiments pays pour les locaux. Ça ferait de l'animation entre les villages… » J'y penserai… Tout en sachant très bien qu'organiser les loisirs de quelques nantis qui viennent prendre le soleil et oublier Port au Prince dans ce bel endroit ne m'intéresse nullement voire me rebute profondément.

Lifen m'attend. C'est beaucoup plus important. Son grand fils est là avec lui. Le canote fait autour de six mètre. La coque, tout en bois, est en V et s'évase jusqu'à l'arrière pour devenir presque plate. L'immense grand-voile est à poste tenu par son long gui (la bôme) et son pic, les deux en bambou. Le fils déroule le foc. Lifen borde la grand voile avec l'écoute que je lui ai donné la semaine passée. Pas de poulie. L'écoute passe dans un trou dans le tableau arrière. Quand il y a peu de pression, le frottement suffit au blocage. Quand l'air rentre, il fait un nouvel aller-retour sur le gui et bloque l'écoute par une bande su l'écoute même… J'ai eu un instant envie de lui donner des solutions pour facilité le système. Mais, ça marche tellement bien que je me tais.

On sort de la biae. Cap vers la grande terre. Il y a à peine dix nœuds. On glisse tranquille. Bien sûr, un voilier serait sidéré de la forme de la grand voile neuve avec tous ses plis partout. Mais la encore, ça marche et plutôt pas mal. On remonte bien au près. Au rappel passif, je savoure ; Quel bonheur de pouvoir naviguer local avec un capitaine fier, simple et compétent, bien loin du marin timoré qui travaille sur GCV. La journée est belle. Nous sommes presque les seuls sur ces eaux habituellement si pleines de voile. Tout est calme. Ça glisse en douceur. La vie vous réserve de beaux moments parfois.

Lifen commande son fils pour larguer une ligne. Le vent rentre un peu. On ballaste avec des sacs de sable. Je fais un peu de rappel comme en dériveur pour le fun et me rappeler mes jeunes années en 420. Le vent n'est pas encore assez fort pour faire contrepoids en s'appuyant sur les avirons complètement à l'extérieur du bateau. Je laisse mon esprit gambader. C'est bon. L'orphelinat est bien loin. Ce sont de nouvelles joies, très différentes.

Lifen me tire de mes rêveries pour me confier la barre. Je m'installe sur le petit pont arrière. La barre est équilibrée. Le cap est stable. Un vrai bonheur. On remonte vers le petit îlot Permontois. Lifen est concentré sur sa ligne. Son fils me regarde un peu étonné de voir un blanc avec un grand chapeau de paille prendre du plaisir sur le bateau de noir de son père. Décidément le monde n'est pas comme celui que l'on lui a écrit à l'école. On vire de bord pour rentrer déjà. Mais le petit déjeuner est déjà loin. Je leur propose qu'après l'arrivée, on se fasse une grande plâtrée de riz avec des œufs et des tomates. On est au travers. La canote file bien. Les sourires sont sur nos visages. Je m'amuse à la barre et profite du petit tirant d'eau pour raser le gros rocher qui marque l'entrée de la baie de Cacoq.

L'eau est turquoise. La mer plate. Le sillage du bateau s'éloigne rapidement. Un petit et un dernier souffle nous emmène jusqu'à la petite pointe qui ferme le trou à cyclone où GCV est mouillé. Petite remontée au près en deux bords. J'apprête la manœuvre d'accostage en prenant garde aux risées. L'étrave vient mourir à quelques centimètres de la jupe. Je ne suis pas peu fier de la manœuvre…

Pendant que je fais cuire le riz et notre petit frichti improvisé, Lifen et son fils range les voiles. Mes deux invités apprécient ma cuisine et ne laisse rien de ce qu'il y avait dans la casserole. Ils me quittent après notre petite conversation digestive. Une petite sieste et je vais préparer mon sac pour ma semaine à l'orphelinat.

Meci anpil Lifen, des moments comme ça, aussi simple et intense, ça ne s'oublient pas.

A tout à l'heure

PS : Merci pour tous les mails que j'ai reçu pour les parrainages d'enfants et le financement des travaux du mur. Je sais que vous avez beaucoup de choses à faire, pleins de choses à penser. Mais, si pour les parrainages, rien ne presse (enfin tout est relatif), il n'en est pas de même pour le mur. Il y en a pour trois semaines au moins de travaux et j'aimerai bien qu'ils commencent (est-ce raisonnable de rêver à ce qu'il soit fini ?) avant mon départ dans la deuxième moitié du mois d'avril. Si vous avez quelques velléité pour apporter votre obole. Merci de me le faire savoir très vite.

dimanche, mars 11, 2007

Je suis amoureux !

Je suis amoureux

Vous vous en doutiez ? Pourtant je suis la discrétion même. Il y a bien quelques allusions de ci de là dans les textes. Une joie de vivre toujours plus grande. Encore plus de facilité à donner. Ben voilà, maintenant, vous savez pourquoi. Amoureux…

C'était un mercredi. Dès qu'elle m'a vu, elle a fait un grand sourire et m'est tombé dans les bras. Littéralement. J'avoue que ça ne m'était jamais arrivé aussi brusquement. Evidemment, au moment où je m'y attendais le moins. Celui où on se dit que l'amour, il va falloir se le mettre pour quelques mois dans la poche. Mais non. Elle m'a vu du fond de l'endroit où je venais d'entrée. Elle a fait un grand sourire comme si elle attendait depuis longtemps. Et elle a traversé l'endroit en courant pour me sauter au coup. J'ai répondu à l'étreinte évidemment. Je ne suis pas du genre à laisser passer ça.

Au début, je me suis dit que c'était passager, juste l'histoire de quelques heures parce que ça fait longtemps. Qu'elle en voulait à mon pseudo argent, à ma situation de blanc pour qui tout est facile. Alors je suis parti sans rien dire mais sachant que je reviendrai quelques jours plus tard. Je pensais que ça allait se calmer, que ça allait passer. Mais pas du tout.

Quelques jours plus tard, même scénario. J'entre, grand sourire, course, saut au cou. Impressionnant ! Alors je m'y suis installé dans ces grands sourires, dans cette tendresse quotidienne et sans retenues. Avec un grand plaisir. Bien sûr vous allez trouver qu'elle est très jeune pour moi. Vous avez peut être raison. Quel âge ? En fait, je ne sais pas exactement. Elle est jeune, c'est certain. Trop, je ne sais pas. Peut-on être trop jeune ou trop vieux ? On a l'âge qu'on a, non ? Après on en fait ce qu'on peut et ce qu'on veut de son âge. Soit on estime que c'est vieux et on joue au vieux, soit on estime que c'est trop jeune et on fait celui à qui ce n'est pas sa faute, soit on estime que c'est son âge et qu'on en profite au mieux pour être bien là où on est…

Bon c'est vrai que la différence d'âge est vraiment très importante. Que dans notre bonne société, c'est à peine admis. Et encore par les plus ouverts… Mais moi, là, je n'ai pas pu résister. Il y avait trop d'élan dans tout ça, trop d'évidence. Il ne faut pas aller trop contre ce que la vie vous offre. Sinon, après, la vie, elle ne veut plus rien vous donner. Et puis, je ne trahis personne. On ne m'attend nulle part. Du moins, je le crois. Sinon, évidemment, je me serai abstenu. Donc voilà. Je suis amoureux.

Quel bonheur ! On voit la vie sous un autre visage. Déjà, j'aimais bien, mais là, hou ! C'est vraiment très bon. Les feuilles des arbres déjà très vertes sont presque fluorescentes. La mer a des reflets que je ne lui avais jamais vu. Le ciel est d'une limpidité cristalline. Les personnes que je croise sont toutes sympathiques. Même les chiens aboyeurs ont le sourire…

Comment elle s'appelle ? Aïe ! Vous savez dans ce pays, ils ont de drôles de prénom. Souvent plusieurs même. Je cherche… Est-ce que ça pourrait être Cassandre –Yveline – Agathe –Wilnie – Valentine – Claudanise – Ester – Dana – Béata – Manouska – Ylen ? Vous croyez que c'est possible ? C'est trop pour une seule personne. Pourtant c'est tout ce que j'ai retenu.

Bon d'accord elles sont plusieurs et de plein d'âges différents. Mais elles savent très bien faire les yeux doux et venir prendre leur calin. Enfin, pour les plus petites. Les plus grandes, je suis plus en retenu. Evidemment… Il y en à deux qui se verrait bien repartir avec Grand Citron Vert pour quitter ce pays vraiment trop pauvre. Elles ont été jusqu'à me donner 25 ans pour mieux se persuadé, je pense, que c'était possible. Je fais jeune d'accord. Mais là, c'est un peu trop flatteur. On me l'avait déjà fait à Buenos Aires, remarquez. Je vais finir par y croire. D'habitude c'est plus entre 32 et 38, c'est déjà pas mal, non ?

Sérieusement, parmi toutes ces jeunes filles, il n'y en a qu'une qui m'a vraiment sauté au cou, qui fait un grand sourire à chaque fois qu'elle me voit, qui vient me voir quelque fois le matin pour partager mon chadec, qui s'en va sans bouder, ni pleurer quand je suis occupé, qui m'écoute beaucoup, qui me fait des câlins, qui rigole tant qu'elle peut, qui aime les moments calmes, tranquille sans rien dire devant un beau paysage, avec qui je sens qu'il y a un courant qui passe.

Elle a deux ans et demi. Le Lions Club du Mans vient de décider de lui payer ses études et tout ce qui les entoure jusqu'au CM2. Elle n'a aucune arrière pensée quant à un départ quelque part. Elle est vraiment adorable, curieuse, intelligente, rigolote, pas chiante pour un sous, débrouillée et très sociable. Bon elle a le prénom d'un département français, Yveline. Mais regardez les photos elle est au top non ?

A tout à l'heure

 

PS : Et chez vous, ça baigne toujours autant. Les intermittents viennent de se voir signer leur arrêt de mort. On peut dire au revoir à un tas de petits théâtres, spectacles, concerts et autres. On va s'approcher à vitesse de la culture Coca Cola pour tout le monde sans aucune alternative pour ceux qui n'en veulent pas. La campagne est un peu fadasse, enfin vu de loin…

J'ai fais un petit tour de canote aujourd'hui c'est top… Je vous raconterai.

J'ai été très bavard ce week end. Mais n'oubliez pas le petit appel que j'ai fait. Ce serait vraiment génial si à la fin de la semaine, j'avais plein de parrainages et de quoi reconstruire le mur. On peut rêver non ?

Vous pouvez en profiter pour donner de vos nouvelles. C'est bon de vous savoir en forme…

Prière pour des petits enfants nègres...

 Prière d'un petit enfant nègre

De Guy Tyrolien (Guadeloupe)

 

Seigneur je suis très fatigué

Je suis né fatigué.

Et j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq

Et le morne est bien haut qui mène à leur école,

Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,

Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.

Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches

 

Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois

Où glissent les esprits que l'aube vient chasser.

Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers

Que cuisent les flammes de midi,

Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers,

Je veux me réveiller

Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs

Et que l'Usine

Sur l'océan des cannes

Comme un bateau ancré

Vomit dans la campagne son équipage nègre…

Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,

Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.

Ils racontent qu'il faut qu'un petit nègre y aille

Pour qu'il devienne pareil aux messieurs de la ville

Aux messieurs comme il faut.

Mais moi je ne veux pas

Devenir, comme ils disent,

Un monsieur comme il faut.

Je préfère flâner le long des sucreries

Où sont les sacs repus

Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune.

Je préfère vers l'heure où la lune amoureuse

Parle bas à l'oreille des cocotiers penchés

Ecouter ce que dit dans la nuit

La voix cassée d'un vieux qui raconte en fumant

Les histoires de Zamba et de compère Lapin

Et bien d'autres choses encore

Qui ne sont pas dans les livres.

Les nègres, vous le savez, n'ont que trop travaillé.

Pourquoi faut-il de plus apprendre dans des livres

Qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici ?

Et puis elle est vraiment trop triste leur école,

Triste comme

Ces messieurs de la ville,

Ces messieurs comme il faut

Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune

Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds

Qui ne savent plus conter les contes aux veillées.

Seigneur, je ne veux plus aller à leur école.

 

Petit nègre, je ne suis pas le seigneur

Mais j'entends ce que me dit ton cœur

Que leur école n'est pas la vie

Que l'on s'y fait du souci

Que l'on n'y apprend guère de choses utiles

Que l'ont dit trop souvent futile

Qu'un messieurs de la ville tu ne veux pas devenir

Comme je te comprends, comme je veux te soutenir

Pourtant ces messieurs de la ville

Ces messieurs comme il faut

Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune

Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds

Qui ne savent plus conter les contes aux veillées

Savent trop bien qu'un petit nègre

Qui ne sait pas compter

Qui ne comprend rien à l'écriture

Est bien désarmé

Quand il faut échanger

Le fruit de son travail

Quand il faut acheter

Le riz et les victuailles

Quand il faut protéger

La liberté sans faille

Alors ces messieurs bien comme il faut

N'hésite pas à t'exploiter

A mieux te rouler

A mieux profiter

De ton désir d'avoir la paix

D'écouter les beaux contes

D'admirer la lune et les cocotiers

Et que comme tes ancêtres tu te courbes

Tu te taises devant l'incompréhensible

Devant l'indicible injustice de la vie.

Alors s'il te plaît, petit nègre,

Vas-y à leur école pour mieux leur faire la nique

A ces messieurs de la ville

A ces messieurs bien comme il faut

Et tu joueras dans les ravines fraîches

Et tu iras pieds nus par les rouges sentiers

Et tu dormiras sous les lourds manguiers

En écoutant les histoires de Zamba et de compère Lapin

En te souvenant des heures tristes de l'école

Tu rigoleras au clair de lune

Pour ce que les messieurs de la ville ne peuvent plus t'imposer

Que plus jamais au pas ils te feront marcher

Parce que la vie n'est pas chez les messieurs de la ville

Les messieurs comme il faut.

Alors permet moi s'il te plaît à t'aider en cela

En te payant ton école

Jusqu'à ce que tu saches lire et écrire

S'il te plaît permet moi

Pour que tu goûtes mieux la saveur de la vie

La saveur d'être libre

Pour encore mieux choisir.

La partie en italique est de moi...
 

Sur l'île à Vache, quelques centaines d'enfants ont besoin de parrainage pour payer leur école. Je sais qu'on ne peut pas tous les aider alors j'ai choisit ceux qui m'était le plus proche, ceux de l'école de Sœur Flora. Cela représente un peu plus de quatre-vingt enfants qui payent déjà le minimum mais dont les parents ne pourront ou ne peuvent déjà plus suivre. Petit détail d'importance, tous ces enfants ont au moins la moyenne et donc travaillent pour aller plus loin dans leurs études.

Une année d'école chez Flora coûte 2000 gourdes, soit 40 euros, plus l'uniforme qui s'élève à 500 gourdes, soit 10 euros. Cette somme comprend un repas par jour et les fournitures scolaires et les livres. Je sais que l'enseignement qui est dispensé à l'école Saint François est catholique et que cela pourrait froisser certain d'entre vous, que cet enseignement est loin de ce qui pourrait être fait, et que, et que plein de choses qui peuvent être un argument pour ne rien donner. Ce que je sais aussi, c'est que ce pays, ce sont ses enfants qui le sortiront de la situation dans laquelle il est aujourd'hui parce qu'il n'est jamais trop tard et que ce ne sont malheureusement pas toutes les aides extérieures dont une bonne partie part dans des poches de personnes qui sont déjà plein aux as, qui peuvent aider chacun au quotidien de pouvoir penser à autre chose qu'à survivre.

Je vous propose donc de parrainer quelques uns de ces enfants. Non pas pour une année mais pour plusieurs années afin que la famille soit libérée de ce souci et qu'elle puisse avancer sur autres choses. Toutes les formules sont étudiables puisqu'il y a des enfants à tous les niveaux d'étude et de difficulté. On peut faire aussi un versement par an. Réfléchissez à ce que représente 50, 100 ou 150 euros dans votre quotidien. Un caddy à Carrefour ? La location d'une paire de chaussure de ski ? Quelques disques ou livres ?

Je sais que la démarche va dans le sens de l'assistanat auquel je m'oppose depuis longtemps, que ce n'est pas forcément leur rendre service que de financer. Aussi, je vous propose de rédiger une lettre à l'intention de l'enfant, que je lui remettrai en main propre, pour lui expliquer que si on lui donne aujourd'hui, c'est pour qu'il puisse mieux donner lui ensuite à ses parents, à ses voisins, à son pays. Je sais que pour un enfant des mots comme ceux là ne représentent pas grand-chose mais ils peuvent aussi marquer à vie. Envoyer aussi une photo numérique par courriel. Je l'imprimerai et lui donnerai. Je leur donnerai aussi votre adresse pour qu'il se créé des liens autres que financier entre vous.

 
Pour ceux qui préfèrent investir dans le dur, il y a deux murs, détruits par le dernier cyclone, à reconstruire à l'orphelinat plus des renforts un peu partout pour que l'enceinte ne soit plus un gruyère et le rendez-vous de ceux qui passent par là. De plus, ça éviterait que les bananes cultivées ici ne disparaissent pas avant que le personnel les récolte tout comme les autres cultures qui sont en cours de plantation… Il y en a pour la modique somme de 5000 euros… Ceux qui veulent des détails peuvent m'envoyer un mail. J'aimerai que les travaux commencent très vite. Cela me paraît urgent pour l'orphelinat et les enfants.
 
Il y a aussi Canobert. ( http://labaladapat.blogspot.com/2007/02/canobert.html) Les bains que Michel et Flora ont mis en place ont besoin aussi de fonds. Très vite, il va falloir augmenter les salaires et investir dans une nourriture plus riche même si, pour cela, nous avons trouvé une solution temporaire.
 
Je sais que vous êtes sollicité de toutes parts, que vous avez certainement déjà une part non négligeable de votre budget qui part dans des oeuvres caritatives, mais si vous souhaitez de nouveau agir et aider ces projets qui me touchent beaucoup aujourd'hui, merci de me faire savoir ( patbenoiton@gmail.com) le montant que vous voulez réserver à l'île à Vache et à quel projet. Je vous ferai parvenir en retour le compte de virement (en France) ainsi que tous les renseignements que vous avez droit à avoir sur la sécurité de l'emploi de tout votre argent dans le projet choisit ainsi que ses détails.
En tout cas, merci au moins de m'avoir lu en souhaitant que ces mômes pourront continuer à aller à l'école et que Flora puisse continuer dans les meilleures conditions possible à s'occuper tant bien que mal de ces mômes…
Merci à Michel de m'avoir fait connaitre ce poème.

A tout à l'heure

 

PS : J'ai eu la chance de rencontrer, un agronome, un responsable d'une ONG local qui aimerait centraliser tous les projets extérieurs pour l'île à Vache et surtout un responsable local de la FAO, l'antenne pour tout ce qui concerne la nourriture à l'ONU. Des projets de plantation d'arbres, de mise à disposition de graines gratuites, de puits et de récupérateurs d'eau communautaire ou personnel sont en route. Peut être même un programme de culture de Spiruline, cette algue riche en protéine notamment qui pousse très rapidement et sans trop de difficultés, sur l'île. Je vais aider à monter les dossiers de demande… C'est une précision pour ceux qui   voudrait voir d'autres choses aussi se mettre en place.
PS : Merci de faire suivre cet appel à votre entourage en prenant le temps de bien expliquer de quoi il en retourne. Ce sera encore plus efficace.

samedi, mars 10, 2007

C'est un peu tous les jours...

C'était un lundi, peut-être un mardi ou bien un mercredi et puis un jeudi tout comme un vendredi. Oui, c'était tous ces jours-là. Parce que même si ce n'est jamais pareil, ça se ressemble toujours un peu avec un font de grande différence...

Ça commence donc avec le lever du soleil, les premières paroles, un son de cloche, des cris d'enfants, des chants de coq, la lueur des premiers rayons et un sourire intérieur grand comme ça. Après une première heure à déguster tout cela calmement avec le chi kong ou assis sur ma petite chaise en osier à me délecter d'un chadec juteux, je rejoins l'agitation.

Enfin, l'agitation… La vie plutôt, celle d'une quarantaine d'enfants entre 1 et 16 ans qui habitent dans la même grande maison (enfin pas si grande finalement mais suffisante puisqu'ils s'en contentent…). La traversée de la cours est ponctuée par de nombreux « bonjou', comen yé ? Bien domi ? » aux cuisinières ou autres déjà au travail. Je monte les escaliers et fait mon entrée dans l'espace de vie où j'ai pris l'habitude d'aller dire bonjour à chacun des enfants et au personnel. Chez les petits, celui qui n'a pas eu sa bise revient à l'assaut dans les minutes qui suivent. Quelque fois, un ou une grande vient me demander un conseil de dernière minute pour ses devoirs. D'autres matins, je console un réveil difficile ou motive une paresse pour partir à l'école. J'ai même fait traverser le petit Higgins qui avait l'air pétrifié sous les trois gouttes d'eau qui tombaient… C'est toujours avec le sourire, de ma part, je m'y efforce, et chez eux parce qu'il est naturel et qu'il revient très vite quand il s'est absenté. J'aime bien ces débuts de journée. On se dit que tout le reste va être ainsi…

Chemise jaune, short ou robe marron, les petits écoliers sortent du bâtiment pour juste traverser la rue et rejoindre leur classe et les 350 enfants qui suivent leur scolarité à l'école Saint François. Un seul ne porte pas ces couleurs (en dehors des plus grands qui vont au collège de l'autre côté du village), mon copain Dinol, qui préfère s'occuper de son cochon, de ce qu'il a planté ou de son four à pain voire de m'acheter des chadecs au marché que de faire des additions. Il se retrouve en troisième année (CE2) à 13 ans certes avec 7/10 de moyenne, mais les bases ne sont toujours pas là... Flora l'a mis dans une autre école parce que surtout, dans son école on ne redouble pas trois fois et que Dinol ne travaille pas et,... Enfin, pas tout seul, parce que quelques fois, et de temps à autre, je lui fais faire des additions et le fait lire. Et puis il aime bien, mais seulement quand on est tous les deux... Dès qu'il y a quelqu'un d'autre, c'est terminé. C'est un peu comme avec les autres quand je m'occupe personnellement d'eux, mais il aime bien travailler quand on est quatre ou cinq devant ma chambre. Je crois qu'on pourrait faire des sciences politiques sur l'extrême orient qu'ils seraient tout aussi intéressés…

Bref, tout ça pour dire que Dinol part seul avec son bermuda gris et sa chemise bleu à demi sortie de la ceinture vers son école dans le haut du village. Il ne se sent pas victime de discrimination. Il a le sourire. Il s'en fiche un peu je crois…

Il est temps pour moi de prendre mon petit déjeuner : un plat de pâte, de riz-fève,de manioc- patates douces ou une bouillie de maïs et avoine accompagnée de pain (plus rare) avec un café sucré. Ceux qui connaissent mes habitudes alimentaires savent que tout cela en est très loin. Mais ça n'a pas d'importance. Au moins, j'ai mon chadec que les mômes n'ont pas souvent (quelque fois quand Dinol tombe sur une source, il en prend beaucoup pour ses copains et copines). Les petits et les handicapés viennent de manger (là aussi je donne un coup de mains aux encadrants). Il m'arrive alors de croiser Sœur Flora déjà affairée depuis 4 heures du matin (messe comprise, c'est son chi kong à elle…). A cette heure là, elle est infirmière (sa formation d'origine) pour les enfants. Elle dirige les soins suivie de Belair et Stevenson. Je les laisse à leur belle occupation pour me rediriger - non sans avoir été attaqué gentiment par quelques petites mains s'accrochant à mes jambes ou réclamant un petit tour dans mes bras - vers le pavillon des volontaires.

Ici m'attend ma brosse à dents mais surtout les chambres 6 et 7 dans lesquelles trônent de nombreux cartons bourrés de vêtements, de jouets ou de fournitures de toutes sortes. Trois jours pour y voir clair dans le triage et commencer à reranger. C'est incroyable ce que l'on peut envoyer « aux pauvres » de nos beaux pays industrialisés. Bel exemple, encore une fois de l'abondance irréfléchie dans laquelle notre société vit et de la non responsabilisation de ceux qui envoient (vous croyez que ça sert des polaires et des bonnets ici ? Et je ne parle pas des jouets qui ne fonctionnent qu'à piles... alors que les poubelles sont dans la rue pratiquement…). Ça donne bonne conscience à pas cher… Aller, il y a aussi des jolies robes qui rendront Claudanise et Valentine très heureuses, des jeans qui feront rêver Raymond et Tifrance, des casquettes qui feront baver tous les garçons… Reste que devant les tas d'habits qui augmentent devant moi, je me demande comment   je vais pouvoir libérer tout cela d'ici la fin de la semaine pour laisser la chambre 7 à Sœur Huguette (la « cheffe «  de Flora arrivée lundi du Québec). J'aime aussi à cet heure ci, me plonger dans la confection de la plaquette pour l'orphelinat ou de la maquette du petit journal que Flora voudrait envoyer à tous ces gentils donateurs, au Québec, en France ou aux Etats-Unis.

Vers 10h30 (l'heure est aléatoire n'ayant pas de montre, à moins que Etienne et Ezéquel profite de la récréation pour venir me faire un petit coucou, auquel cas, je connais l'heure…), je fais ma petite pause orange avant de remonter au lieu de vie. A cette heure-ci, les soins sont terminés, les plus grands sont à l'école et les petits sont quelquefois occupés à des jeux par un encadrant (mais c'est très rare…). Le lieu est calme et c'est idéal pour faire les massages. Quelquefois Stevenson m'accompagne, quelquefois non. Quoiqu'il en soit, il s'agit d'être entièrement concentré sur ma tâche afin qu'elle soit la plus efficace possible.

Pied droit, dépliage des doigts de pieds complètement recroquevillés sur eux-mêmes, doucement et en aller et retour, la cheville raide dans sa position rentrante pour le pied. Là encore on fait bouger doucement mais en forçant un peu. Les genoux avec déploiement de la jambe quand je le peux. La jambe gauche puis le bassin où j'essaye d'écarter au plus les cuisses vers l'extérieur. Je refais les mêmes mouvements avec les membres supérieurs. Le « massage » se termine en tirant sur l'arrière du crâne pour libérer et activer toutes les petites glandes qu'il y a à cet endroit.

Les réactions sont toujours étonnantes même si je m'y habitue. A l'étonnement et à la peur des premières séances a succédé un sourire dès que je pose la main sur le pied. Souvent, je parle pour encourager. J'essaye de suivre les réactions. De plus en plus, les corps se détendent très vite et l'on progresse dans les mouvements, en allant toujours plus loin. Quand cela force, je préviens, j'encourage, le visage se crispe un peu, se concentre sur la future douleur puis se relâche quand le mouvement est terminé. J'aimerai bien connaître leur ressenti réel. A voir les visages détendus après chaque séance, ce doit être vraiment très bon. J'avoue avoir eu un peu de mal au début mais en me rendant compte de l'effet de ces petits mouvements, mon dégoût, mes peurs de je ne sais quoi, ont disparu. Je sais que c'est du bon que je donne… Généralement, je m'occupe de cinq ou six handicapés par matin. Après m'être débarrassé de mes gants et lavé les bras, je retourne au pavillon pour souffler un peu – la chose est éprouvante…- et lire éventuellement un petit peu.

Je retrouve vite le lieu de vie à l'heure de la sortie de l'école. Les visages sont souriants. La matinée s'est bien passée. Certains viennent me faire une petite bise ou me présentent déjà leurs devoirs pour le lendemain pour un petit coup de mains. Etienne est un habitué de la chose. Sachant que ça n'allait pas bien du tout, je le lui ai proposé et il avait accepté. Mais, il était déjà trop tard. Flora a décidé de le faire passé dans la classe d'en dessous. Alors, on reprend les bases avec Etienne. Je reparlerai certainement plus tard de la pédagogie ici - qui n'est pas si loin de la notre, il y a quelques années. Dire qu'elle n'est pas du tout adapté à des p'tits gars, qui aiment regarder les feuilles des cocotiers par la fenêtre, comme Etienne, Ezéquel ou Dinol, est un euphémisme. Pour peu qu'elle le soit pour les autres enfants…

Le repas est servi mais pas à ceux qui étaient à l'école qui ont eu de quoi se sustenter à la récréation pendant laquelle est servi une grosse assiette de riz-fève à tous les élèves. Ce repas représente souvent le seul vraiment consistant de la journée pour nombre d'élèves.

Après avoir fait manger les handicapés, nous allons nous-même manger, Belair, Stevenson et moi. Michel s'est absenté pour aller à Port au Prince et Flora jeune le midi pendant le carême. Sans être vraiment convivial, ce moment permet de rigoler pas mal et de faire mieux connaissance avec les deux infirmiers. Le second vient de Port au Prince et s'est engagé volontairement auprès de Flora. Après le repas, toujours composé de féculents et d'un peu de crudité voire de poisson pour moi, mais que je partage, je fais une sieste rapide mais indispensable.

La semaine dernière, les après midi étaient partagées entre la distribution de nouveaux habits pour les enfants de l'orphelinat, les devoirs et quelques jeux. Avec eux, c'était amusant. Je jouais au marchand et ils jouaient aux clients comme dans un vrai magasin. A la fin, ils me regardaient bizarrement, ne sachant s'il fallait me croire, quand je leur disais combien il fallait payer… Et ça se terminait dans un grand éclat de rire. Mais ils étaient tous très fier de repartir avec leur petit sac en plastique plein de vêtements neufs. Ça n'arrive pas tous les jours…

En même temps que tout ça, j'essaye de trouver des activités à peu près intelligentes pour les cinq ados. Ensemble, je leur ai fait décidé de nettoyer le terrain de toutes ses immondices en mettant en place des poubelles. Les cinq garçons seront responsable de la propreté du terrain et devront demander aux petits et aux adultes de jeter leurs déchets dans les poubelles. Ça nous parait simple et évident mais Michel avait essayé il y a quelques années de manière un peu différente et l'expérience avait échoué. Ce n'est pas encore bien engagé. On verra bien. Si je n'essaye pas…

Quand le soleil baisse en fin d'après midi, j'essaye de monter à la citadelle, le sommet du morne derrière l'orphelinat, soit seul pour méditer, soit avec des enfants pour regarder comment leur île est belle. Je reviens souvent regonfler de là-haut. La mer au loin, le grand air, le marigot au fond, les champs, les mangots, les autres mornes… C'est bon d'être ici.

Quand la nuit tombe, en l'absence des chants de Michel sous les étoiles, je joue avec les enfants en attendant le dîner après une bonne douche rassérénante. Dîner pour les enfants. Suivis du dîner pour nous. La cloche sonne. Les jeux s'arrêtent. C'est la prière pour les enfants quelques fois avec Flora, quelque fois sans. Ils sont tous en rond, chantent et remercient pour cette belle journée. Les discussions du dîner ne nous mène rarement après 8h30. Là j'ai plaisir à retrouver ma chambre où après mes petites ablutions, je me plonge dans un livre puis rapidement dans les bras de Morphée, heureux d'être là…

C'était un lundi…

A tout à l'heure

 

PS : Vendredi midi, une petite fille de quelques mois est morte sur le chemin de l'hôpital. Sa maman l'avait laissé dans le lieu de vie quelques jours avant. Peut-être qu'en prenant conscience de cet abandon, de cette vie qui s'offrait à elle avec un manque énorme et peu de perspective réjouissante, elle a préféré aller voir ailleurs…

PS 2 : Dimanche dernier, j'ai commencé à avoir quelques courbatures. C'était reparti. Le paludisme venait me rendre visite pour la troisième fois depuis un peu plus de trois mois. Trois jours cloué au lit avec les enfants qui me sollicitaient quand même. Quel bonheur quand je me suis de nouveaux senti en pleine forme vendredi matin. J'avoue que je me suis senti très privilégié mais surtout venant d'une autre planète quand j'ai présenté mon traitement à 43 euros pour trois jours à Flora qui m'a juste répondu qu'ici, elle aimerait bien traiter à la Nivaquine parce que la Chloridrine ( ?) fait de moins en moins effet…

samedi, mars 03, 2007

Le marché des Cayes

C'était un mardi. Nous allions, avec Magali, aux Cayes accompagnés de Vilna alliée sûre pour acheter le ravitaillement de Taïga au bon prix sur le marché. Une heure en bâtiment pays, grande pirogue propulsée par un moteur de 15 ou 20 ch remplie de nombre de passagers, pour traversée le canal entre l'île et la grande terre. C'est un peu long surtout pour les fessiers et les articulations tant on est serré et immobilisé. Les hauteurs de la grande terre approche doucement comme les maisons de la ville. A gauche, on aperçoit le wharf qui permet aux petits cargos d'accoster avec devant le débarcadère à charbon, une des grandes productions de l'île à Vache, qui consomme sur place beaucoup trop de bois, et puis devant nous le débarcadère aux fruits. Enfin débarcadère est un bien grand mot. Le débarquement se fait en deux temps. Le bâtiment pays jette l'ancre à une vingtaine de mètres du rivage, puis une barque plus petite propulsée par une pigouille embarque les passagers jusqu'au rivage, un tas d'immondices de toutes sortes attenant à nombres de lattrines reliées directement à la mer. On prend bien soin de ne pas mettre les pieds dans l'eau, quand on peut… Tout le trafic entre les Cayes et l'île à vache se passe ici.

L'ambiance n'est pas la même que sur l'île. Les rues, organisées autour de pâtés de maisons carrés comme dans nombre de « pays jeunes », sont le royaume des vélos, motos-taxis et voitures, souvent de gros 4X4. Le piéton n'a pas la priorité et doit s'écarter… Les trottoirs sont la plupart du temps sous des arches souvent encombrées. Pas de revêtement, de la terre avec de gros caillou. La grande place accueille le grand centre diocésain et la cathédrale rutilante qui jure au milieu des bâtiments décrépis. Après être passé à l'immigration où je fais enfin l'entrée officielle du bateau et de ses deux occupants, nous nous dirigeons vers le fond de la ville, éloigné de la mer. Un premier « hall » sombre où sont réunis dans un bric à brac des vendeurs de toutes sortes. Nous ne nous arrêtons pas et sortons pour rejoindre un endroit plus accueillant, tout aussi anarchique dans son organisation mais en plein air. Les nombreuses vendeuses sont différemment achalandées, de quelques tas d'oignon ou d'ail à, c'est plus rare, un choix relativement important de fruits (Chadek, papayes, petit mango) et de légumes (tomates, bananes plantains, manioc, pomme de terre, fèves, patates douces, avocats, …). Les achats sont réalisés et nous sortons de l'endroit avec trois gros sacs de victuailles en tout genre. La petite famille de Taïga part ensuite dans les jardins de la Reine à Cuba qui sont pratiquement désert.

Magali, pour remercier Vilna de son aide précieuse, lui propose un petit cadeau à son choix. L'hésitation n'est pas longue. Un gros sac de riz de 25 kg à 12 euros fera l'affaire. Cela représente un mois de base de nourriture pour la famille. Les priorités sont claires. Quand j'emmènerai Jakson, mon marin préféré chez le dentiste, une semaine plus tard, il fera le même choix. Il m'expliquera d'ailleurs que c'est l'occasion pour lui de prendre du riz pays (qui pousse en Haïti) bien meilleur et plus nourrissant que le riz voire la brisure de riz importé depuis les Etats-Unis, beaucoup moins cher mais sans aucune valeur nutritive… Ce sont les Etasuniens qui ont introduit le riz en Haïti comme ayant de grande qualité nutritive peut être pour mieux exporter le leur de second voire troisième choix qu'il n'arrive pas à écouler ailleurs…

Sœur Flora m'expliquera la même chose en ce qui concerne la nourriture gratuite qu'elle touche pour l'orphelinat et l'école d'une ONG américaine. Elle est composée de brisure de riz, de farine de paille de blé, produit avec une débâcle d'insecticides de toutes sortes, et d'huile des surproductions OGM. Aucune valeur nutritive, peut-être même des effets néfaste, dans tout cela, juste la qualité de remplir des estomacs… Après on s'étonne de la malnutrition dans le pays…

Autre défaut des importations de cette sorte : leur volume est tellement important qu'il casse totalement les prix du marché, ne laissant que peu de place aux productions locales qui du fait d'un marché forcément moindre augmente de prix et devient encore moins accessible à la majorité, à qui l'on donne encore plus entraînant de ce fait un engrenage dans l'inflation des produits frais et vivriers et vers une dépendance encore plus grande du pays. Mais ces mécanismes sont bien connus des pays qui ont les Etats-Unis, ou l'Europe à moindre échelle, comme partenaires pour parait-il sortir de la misère.

De plus, cette aide, parait-il salutaire et qui nous donne bonne conscience, a un défaut secondaire, qui me parait primordial, celui de la dépendance et de l'assistanat. Quand on vous donne les choses gratuitement, pourquoi s'embêter et suer sous le soleil pour produire sa pitance ? C'est une réaction bien humaine et le drame de ce pays. Mais ceci est une autre histoire beaucoup plus compliqué, n'est-ce pas ?

A tout à l'heure