je vais faire un petit tour

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mercredi, mars 28, 2007

Un doute...

C'était un lundi. Exceptionnellement, je rejoignais l'orphelinat ce matin là plutôt que la veille comme à mon habitude. L'envie de rester   tout le dimanche tranquille certainement. La journée s'annonçait belle mais je n'étais pas dans des dispositions d'esprit aussi claire qu'à l'habitude. Le réveil avait été un peu nuageux. Je m'étais levé en doutant et mon doute s'agrandissait en même temps que le soleil montait.. A l'origine de ce doute, somme toute désagréable, la demande de parrainages pour les enfants et de fond pour ce mur qui , je le souhaite plus que jamais, sera bientôt en cours d'érection. Plus que le peu de réponses qui me paraît normal, c'est la réponse d'un ami très cher, que j'écoute toujours beaucoup et qui m'a répondu par la négative. La raison avancée était qu'il ne voyait pas pourquoi il le ferait aujourd'hui alors qu'il n'en avait jamais éprouvé l'envie auparavant, que sous prétexte que ce soit moi qui envoyait la demande, il fallait dire oui… Il ajoutait que sa réaction était peut-être très égoïste mais que c'était ainsi… S'investissant beaucoup par ailleurs et dans des actions directement utile pour améliorer la vie dans notre beau pays, je lui répondais que je comprenais (même sans ça j'aurai compris d'ailleurs…) et que, au fond, mon action, quelque part, était aussi égoïste, puisque tout cela me fait avancer intérieurement.

L'échange avait fait du chemin après deux jours et je ressentais ce matin là un malaise qui allait grandissant : « Pourquoi, effectivement, donner de l'argent à l'orphelinat de Flora plus qu'à tout autre au monde, plus qu'à toute autre action dite humanitaire à travers le monde ? Simplement par ma présence ici ? Simplement, parce que je le demandais ? En quoi ma présence ici suffit à ce que l'action de Flora soit juste   et mérite l'aide de ceux que je connais ? D'ailleurs cette action l'était-elle juste ? Après tout, comme toute action envers les autres, qu'ils soient déshérités ou non, l'action de Flora peut être discutable dans la motivation première, dans les méthodes et forcément dans les résultats. Quant à mon rôle ici, quelques rangements, certes utiles mais qui ne dureront peut-être pas, un peu d'énergie pour amener quelques moyens en plus et mettre en mouvement certaines choses, du temps et de l'amour pour des timounes en demande et qui le rendent au centuple. Rien de bien glorieux finalement.

Plus j'avançais sur le chemin de l'orphelinat, plus ces doutes m'envahissaient sans trouver de réponses. Je fis une petite pause au marché de Madame Bernard pour l'achat de mes chadecs et de quelques mangues pour les timounes et j'abordais la côte menant à l'orphelinat avec l'humeur un peu sombre. Les premiers échanges de mots avec Michel me plongeaient encore plus profondément dans le noir. Il n'était pas en meilleure disposition que moi et s'inquiétait encore et toujours sur l'avenir du programme de bain de Canobert.

Et puis arrivèrent une bande de joyeux sexagénaires Québécois habitués de l'île, dont Jean-Pierre qui prête le terrain de l'ajoupa à Canobert et chez qui j'aime bien faire une petite pause lors de mes aller retour Madame Bernard Cacoq, et Richard, sourcier dont Michel m'avait parlé. On discute longuement de chose et d'autre dans l'atelier de Michel, mais surtout du puit qui est en train d'être creusé pour alimenter le nouveau bâtiment en construction. Et là, je découvre un Richard qui ne se pose pas de questions sur le fait de savoir si il est bon ou non de creuser des puits ici ou ailleurs en Haïti, comme dans la belle province d'ailleurs. Il le fait, et plutôt bien, parce que la vie l'a mené à la fois en Haïti et à découvrir, grâce à son ouverture au monde, des filets d'eau souterrain.

Je sentais le cercle infernal dans lequel mon cerveau s'embourbait depuis le matin, s'atténuer peu à peu. L'entrée dans le lieu de vie avec quelques vivats d'enfants suivis de gros câlins sourire l'effaça presque. Mais il fallut mon passage à la citadelle en fin d'après midi pour effacer tout ombre de doute et m'ancrer encore plus dans mes certitudes quant au bien fondé de ma présence et de mon action ici. Si je suis ici, c'est que le chemin de la vie m'y a mené, certainement pour agir comme j'y agis, avec l'imperfection normal et logique de toute action. Mais, surtout, ce chemin m'ayant mené ici dans cet orphelinat, cette action devait se faire avec le plus de cœur et d'efficacité possible. Evidemment mon égo prend énormément à agir ainsi mais je crois que je donne aussi énormément et que tout ce qui est donné n'est jamais vraiment perdu.

Alors à la question et à la réponse qui m'ont fait douté, bénéfiquement (comme d'ailleurs tous les doutes que ce redoutable personnage me met régulièrement en tête…), je répondrai : d'abord que ce n'est pas parce que l'on a jamais parrainé d'enfants que l'on ne doit pas le faire aujourd'hui et que c'est l'occasion qui fait le larron ; ensuite, oui, le fait que ce soit moi qui demande les parrainages, ce devrait suffire pour vous engager si vous en avez envie., au moins avec la confiance que notre amitié devrait induire. Le circuit de l'argent, l'efficacité de son utilisation (en terme de pourcentage d'utilisation réelle) est sans aucun problème beaucoup plus efficace que nombre de grande ONG dont une partie de l'argent plus ou moins importante s'envole dans le luxe de repas ou de chambre d'hôtel hors de prix…

Et puis qu'importe ! Je suis ici. J'essaye de faire ce que je peux, de mon mieux, en m'investissant le plus possible pour ne pas avoir de regret parce que je ne recommencerais peut-être pas et que de toute façon demain il sera trop tard. J'ai souvent été du côté des beaux parleurs, de ceux qui savent ce qu'il faut faire en restant dans leur fauteuil. Aujourd'hui, la réalité   est là avec ses imperfections, avec les imperfections des êtres, avec les imperfections des cultures, avec les imperfections des actions, et il faut faire avec si l'on veut avancer. En essayant d'améliorer un tant soit peu mais avec… En agissant, en apportant sa petite pierre à l'édifice parce que les idées s'améliorent confrontées à la réalité. Et puis si chacun agit ainsi, au quotidien, pour essayer d'améliorer le monde et bien je crois que le monde sera meilleur demain…

A tout à l'heure

 

PS : Le soir de ce jour bénit, nous sommes allé avec Michel manger chez les joyeux Québécois. Et on a bien ri. On est allé aussi faire un tour en mer sur GCV deux jours plus tard et c'était pas mal non plus. Et puis le sourcier m'a appris à parler avec les arbres… Alors là c'est le summum… Méci anpil !

1 Comments:

  • Ta chonique me fait penser à karl Marx (!) qui disait "si on ne peut changer le monde, on peut peut être changer SON MONDE"

    Celui qui ne croit pas au ciel mais qui croit en Soeur Flora et ses bénévoles anonymes qui dépensent de la belle énergie positive

    By Blogger GASCON06, at 08:36  

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