Merci anpil
C'était un vendredi. Celui des cendres exactement. Un détail qui a son importance. L'orphelinat est une institution catholique… La veille avait été un peu arrosée sur GCV. Des amis Hollandais et des nouveaux arrivants français, Morgane et Greg, sont venus boire un petit coup à bord avec leurs bouteilles, la cave de GCV étant vide. Morgane et Greg apportaient des colis pour l'orphelinat depuis la Martinique. Ils ont été chargés presqu'avant les présentations à bord. Le lendemain, je prenais la route maritime vers Madame Bernard…
C'était donc un vendredi. La journée a commencé nuageuse mais avec un joli lever de soleil à l'est annonciateur d'un bel après-midi. Morgane et Greg ont décidé d'être du voyage. Pas pour visiter l'orphelinat mais pour partager une journée avec nous sur le bateau. Nous ? Une partie des enfants de l'orphelinat (ceux entre 7 et 15 ans), Michel, Stevenson, un des infirmiers qui apprend les massages que je fais aux handicapés, Lifen, mon marin préféré, et ma pomme. GCV était mouillé devant le petit quai de Madame Bernard. La chaloupe de l'orphelinat était prête. Captain Jean la bichonne. Une vingtaine de personnes attendaient d'embarquer dans la navette pour Les Cayes. Le village commençait calmement une nouvelle journée. De loin, on voyait la chaloupe s'emplir peu à peu des enfants. La silhouette inoubliable de Michel fit son apparition près de la plage d'embarquement. On allait recevoir nos passagers d'une journée. Je vous rassure, ils ne payaient pas le prix pratiqué à l'hôtel Port Morgan. La journée allaient coûter seulement des grands sourires pour toutes la journée. Ce n'est pas quantifiable en monnaie, mais c'est certainement plus cher qu'une sortie en day charter. En tous cas pour moi.
Et le sourire, ils l'eurent dès que les vingt enfants ont embarqué à bord. Un sourire franc. Un sourire qui venait du fond de leur être. Un sourire grand comme ça. Ils se sont tous réunis gentiment autour du trampoline, regardant l'horizon avec envie. Mais où allions-nous ? Je ne le savais pas. Je leur ai demandé. « l'îlet aux amoureux ! » ont-ils répondu en cœur comme d'un commun accord. Une journée sous le signe de l'amour donc. L'amour d'un petit blanc pour des mômes très attachants. L'amour d'enfant pour tout ce qui peut les faire sortir de leur quotidien, de ce qui leur manque depuis qu'ils sont tout petit.
Je craignais un peu leur peur de l'élément, de la navigation bien que ce ne devait être que quelques milles abrités par la grande barrière de corail plus à l'est. J'ai vite été rassuré. Ils ont adopté le bateau comme celui-ci les a adopté. Le cockpit, le rouf, le trampoline, tout a été vite apprivoisé, chacun trouvant la place qui lui convenait au mieux.
Une petite heure au moteur, occupé à visiter l'intérieur du bateau sous le guidage de Michel, et le petit banc de sable découvrant est apparu devant nous. Lifen me conseillait sur la meilleure route à prendre pour atteindre en toute sécurité notre but. On fit une approche douce, tranquille pour mieux appréhender l'endroit que je découvrais. Le banc de sable ne s'étendait pas trop alentour. Nous allions pouvoir jeter l'ancre vraiment très près. Les plus grands auront pieds. Les plus petits rejoindront l'îlot en annexe. Tout notre équipage débarque en quelques minutes tel un ras de marée pour submerger la surface lisse de l'îlot qui va vite se transformer en un champ labouré…
Nous nous mettons à l'eau à notre tour pour jouer au ballon, au freesby, accompagné celles et ceux qui hésitent encore à se lancer pour nager, faire des châteaux ou des bonhommes de sable. Ça rigole dans tous les sens. Ça s'arrose. Ça plonge. Ça fait attention aux plus petits. Ça pleure un petit peu quelque fois à cause d'une petite peur vite disparue. Même Lifen, d'habitude réservé et attentionné par le bateau, se prend au jeu en rigolant avec certains enfants.
Au bout d'une grosse heure et demi de jeux en tout genre, la faim rassemble dans un seul mouvement le bel équipage autour du cockpit. Distribution des assiettes de riz et de fève dans le calme, la rigolade avec les blagues de Michel et un minimum d'ordre. Les grands sont tout étonnés de ne pas être servis en premier. Ils ont du mal à comprendre que l'on commence par les petites filles pour finir par eux. Par des blagues, ils essayent de perturber la distribution dans leur intérêt mais sans résultat.
La digestion et le repos du corps après le repas est courte pour eux. Le banc de sable se fait de nouveau envahir dans un grand éclat de rire. Les petites préfèrent une petite sieste tendre près de Morgane, Michel ou moi. Contrairement à mon habitude, j'ai un œil vigilant sur l'horloge du bord. Nous sommes vendredi des Cendres et mon équipage ne peut rater, ni arriver en retard à la messe que le Père Esnaud donnera à 16h. Sœur Flora a été très claire et ferme là-dessus. Il y a des choses qui sont intangibles.
Rappel général. Rassemblement rapide et sans problème. Il y a bien quelques propositions pour aller ailleurs, à la Cayes à l'Eau, à la Baie des Flamands… ç'eut été avec plaisirs. Mais, il nous faut rentrer aux risques d'essuyer les foudres de Flora. Je vous aurai bien emmené au bout du monde les mômes, avec un grand plaisir. Et puis, il y aura d'autres fois, c'est promis.
Les ancres sont levées. On met le cap symboliquement vers l'église blanche et verte du Père Esnaud sous génois seul, tranquillement. Chacun prend la barre du bateau qui fait de grand zig zag. C'est plus rigolo de tourner la roue dans tous les sens que d'aller droit. Arrivé à la côte, Captain Jean n'est pas encore rentré de Canobert avec vos copains. On change de cap pour aller à leur rencontre. « Bonjou', bonjou', Comment ça va ? » La chaloupe et le catamaran font route parallèle pendant quelques minutes. Khadja Nin chante « i'm sailing » de Rod Stewart. Le soleil nous offre de jolis rayons dorés. La petite Agathe a besoin d'un gros câlin. Elle m'accompagne à la barre, agrippée à mon cou. Le petit quai de Madame Bernard est juste là. L'ancre s'accroche au fond herbeux et sablonneux. La chaloupe arrive. Mes jeunes passagers embarquent un peu précipitamment. De grands saluts avec des grands sourires s'agitent sur le long bateau. Merci les enfants. C'était une très belle journée. On recommencera.
La chaloupe revient. On charge les cartons dedans pour les entreposer dans le petit hangar près du quai.
On lève l'ancre. Tout est calme. Génois déroulé, GCV fait route tranquillement le long de la côte. Seule la voix langoureuse qui émane du CD que j'aime tant accompagne le silence que l'on apprécie. Oui, c'est encore une très bonne journée. Merci. Merci anpil de m'avoir permis de la vivre.
A tout à l'heure
1 Comments:
c'est quoi le CB que tu aimes tant? qu'on puisse imaginer en musique...
Bob
By Anonyme, at 06:57
Enregistrer un commentaire
<< Home