je vais faire un petit tour

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jeudi, mai 10, 2007

Je reviendrai...

C'est un vendredi. Cela fait six jours que j'ai quitté l'île à Vache. Six jours où je n'ai été qu'entouré par la mer des Caraïbes. Six jours où je lis, je dors, je regarde la mer, je digère ces trois mois passés sur cette île. Ces trois mois ont été pour moi beaucoup plus importantes que nombres des années que j'ai vécu. J'ai pris conscience de nombreuses choses qui pour moi étaient encore des idées, des théories, que l'on ressent au fond de nous-même mais qui restent malheureusement que des idées et des théories parce qu'on se sent impuissant à les appliquer. Incapable. Je sais que j'ai fait un grand pas en avant, que je reviendrai à l'orphelinat parce que je m'y suis plu et parce que je me suis engagé à essayer de lui assurer des revenus réguliers afin déjà que les fins de mois où le blé est agrémenté à un peu toutes les sauces pour changer le goût et où le personnel doit attendre avant de se faire payer, ensuite qu'il devienne un vrai orphelinat où les enfants recueillis soient le centre de l'activité avec un vrai projet d'éducation et des encadrants. Je reviendrai aussi parce que l'on me l'a demandé. Outre le visa de sortie « provisoire » délivré par Flora avec un grand sourire, d'autres sur l'île m'ont demandé de leur donner de l'énergie pour accompagner leur démarche d'amélioration à la fois sanitaire qu'écologique. C'est la dernière île de la zone Caraïbe à avoir gardé un tant soit peu sa virginité. Je reviendrai enfin parce que je sais au fond de moi que c'est ma voie.

Mais plutôt que de parler d'avenir ou de mes états d'âme, ici au milieu de la grande mer, je souhaiterai vous parler de personnes avec qui j'ai beaucoup partagé ces derniers mois et qui m'ont permis d'être ce que j'ai été. Les liens que j'ai avec ses personnes sont à présent très forts et peut-être gravés dans la pierre. Il y a la personne qui m'a suscité l'idée et l'envie de venir ici. Je ne pense pas qu'elle souhaiterait être citée ici. Elle restera donc secrète mais je la remercie du plus profond de moi-même et elle le sait.

Ensuite, il y a Michel. Il est apparu un jour dans ma vie, à Grenoble chez des amis. Il cherchait le moyen le plus économique pour rejoindre l'île à Vache en janvier. Je lui en ai proposé un. Il a pris. Simplement, logiquement. Grand utopiste devant l'éternel, participant à de nombreuses expériences collectivistes et internationalistes, près à repartir chaque jour pour de nouvelle expérience du genre avec un enthousiasme qui ferait pâlir n'importe quel entraîneur d'équipe sportive, Michel est quelqu'un de foncièrement gentil, dans le vrai sens du mot évidemment et non, dans le sens que notre société cynique y a mis. Le cœur sur la main, il ne supporte pas les inégalité et encore moins la misère. En arrivant sur l'île à Vache il y a quatorze ans, il a eu sa dose. Il y est resté trois mois, puis neufs mois puis treize mois. Puis chaque année entre quatre et six mois. Il a mis en place tellement de chose dans l'orphelinat. Il a aidé tellement de monde sur l'île, que Michel et sa barbe blanche sont connus partout et toujours avec ce petit sourire de reconnaissance quand l'interlocuteur dit : « tu es un ami de Michel… ». Quand il a traversé l'île la première fois en janvier, il n'a même pas pu aller jusqu'à Madame Bernard tellement il a été sollicité.

Même si aujourd'hui, il regarde tout ça avec un peu d'amertume et, quelque fois avec les yeux un peu brillant, en disant : « Tu vois, j'ai fait tout ça mais j'ai pas su leur transmettre… C'est ça mon échec. Comme me disait un prêtre au Nicaragua : dans l'action que tu fais pour les autres, il y a 50% de bon mais 50% de mauvais aussi, au minimum… » Mais, il ne se désespère jamais, se servant de l'énergie et de l'enthousiasme des autres pour encore mieux avancer pour essayer de mieux transmettre.

Les bains thérapeutiques de Canober sont évidemment sa plus belle œuvre qu'il a su transmettre, qui durent toujours et de mieux en mieux et qui ne sont pas près de s'arrêter. Il a réussi parce que d'année en année, il améliore et continue à motiver sa petite troupe sur l'importance de ces bains. Je crois que l'idée de leur remplacement par une piscine à l'orphelinat est à présent du passé parce qu'il a su convaincre Flora en faisant encore bouger les choses. Mais, il y a aussi le système de purification de l'eau, celui de récupération de la pluie, la machine à laver pédalo (qui sert même quand tu n'es pas là, Michel…) et puis toujours son enthousiasme avec les enfants, particulièrement les handicapés, mais il les aime tous.

Un des moments que je préférais, c'était en fin de journée. Souvent je redescendais de la citadelle et n'étais pas encore lavé. Mais Michel, imperturbable était toujours au rendez-vous du chant sous la lune et les étoiles. Une dizaine d'enfants handicapés était descendu dans la cour. Les valides, surtout les petits, descendaient chaises et bancs. Tous étaient installés en rond et Michel commençait à chanter de sa belle et douce voix. Souvent, les enfants ne comprenaient pas mais ils écoutaient avec plaisirs. D'autres chants étaient plus connus, comme cette comptine créyole ou ce canon, « Et j'ai fait des rêves », devenu un tube chez les mômes que je surprenais à le chanter dans la journée. Alors, tous reprenaient en cœur dans une cacophonie inaudible mais tellement belle aussi.

Quand tu es parti, à la sauvage, un matin sans rien dire. Il y a eu comme un vide dans l'orphelinat. La surprise de ton départ mais aussi et surtout le vrai vide que ton absence crée. Les handicapés ne sont pas les mêmes et je ne te parle pas de ton protégé Danilio. Tu parlais de ne pas revenir l'an prochain pour prendre du recul. Tu n'as peut être pas tord, mais si moi je reviens, je pense que de nombreuses fois, il faudra que j'aille cherché au plus profond de moi, la force que nos petits échanges-bilans de fin de journée en mangeant tes tablettes préférées, me donnaient. Merci à toi Camarade « Che Jaures ».

La seconde personne est évidemment Flora. Un petit bout de bonne femme, haute comme ça, avec un sourire malicieux derrière un regard qui peut parfois être sévère, bourrée d'une énergie dont on aimerait tous ne serait-ce que la moitié, qui sait se faire respecter autant qu'intéresser ou faire rire. Elle mène son lieu avec ses petits moyens mais avec une foi sans faille.

Arrivée à l'île à Vache il y a vingt et un ans parce que sa communauté de Sœur Franciscaine (elle était alors à Port au Prince) l'a envoyé là pour monter un dispensaire, elle y est resté, par la force des choses. Elle habitait alors la petite maison qui abrite aujourd'hui le gros générateur et s'escrimait, chaque jours, à apporter des soins à cette population démunie et sans médecine traditionnelle vraiment efficace. Et puis, un jour, on lui a déposé le petit Anthony devant sa porte. Elle l'a évidemment recueilli. Et puis, il y eu un autre, deux autres enfants déposées. Et le petit dispensaire est devenu orphelinat.

Marquée par cinq années alitée par la polio, Flora a aussi accueilli bientôt des handicapés venant de tout le pays. Elle a fondé une école, a agrandit le centre d'accueil, le dispensaire avec une pharmacie (souvent gratuite) et un petit laboratoire pour le dépistage des principales maladies. Elle a accueilli l'ONG « Terre des Hommes » qui faisait ici la distribution de nourriture gratuite. Et puis les enfants sont arrivés encore plus nombreux, la demande plus importante. Et le centre est à présent une grosse machine qui nourrit soixante dix personnes à chaque repas, plus les quatre cents cinquante enfants de l'école une fois par jour, avec quarante salariés.

Mais Flora ne s'effraie pas devant la grandeur de la tache quotidienne. Les premières heures de la journée (après sa longue méditation matinale et la messe), elle est à cent à l'heure pour mettre toute cette grosse machine en route. Secouer les enfants encore endormis. Donner un coup de pousse à la toilette des handicapés. Aller en cuisine pour demander comment cela se fait que ceux qui vont à l'école n'ont pas encore déjeuné. Préparer la distribution de médicaments. Il est alors impossible de lui dire quoique ce soit. Elle est toute à son affaire, imperturbable. De toute façon, on ne peut être dans le rythme… Après, il y a un petit blanc. Tout le monde est au travail. Les enfants sont à l'école ou pour les handicapés et les petits en train de déjeuner. Elle se permet alors une petite pause dans le réfectoire avec son café et un bout de pain. Là, on peut lui parler mais c'est encore difficile. Dans le calme, elle met son programme de la journée au clair. Si vous avez quelque chose à lui faire faire ou à laquelle elle est partie prenante, c'est maintenant qu'il faut en parler. Pour autre chose, du long terme ou autre, oubliez. Ce n'est pas le moment. Peut être plus tard ou au dîner, si la journée a été bonne et fructueuse. Après ? Après, elle court, tout le temps, ou bien, elle s'enferme « à Cuba » pour avoir la paix et avancer sur des choses qui étaient urgentes hier. Elle ne se prive pas d'un petit brin de causette à la pharmacie avec Christine, ou avec Bel Air et Stevenson, ou encore au cuisine. Elle aime bien aussi jouer avec les petits en les faisant rigoler. Mais, ça ne dure malheureusement pas longtemps. Trop de chose à faire, à régler… Sans parler de ceux qui passent qui n'étaient pas prévus. Trop souvent des habitants qui viennent chercher de l'aide, d'autre fois les réunions avec la commune ou bien la visite de clients des deux hôtels de l'île. Et le soir, elle est toujours là, au milieu des enfants pour préparer le jus de fruit ou faire réchauffer le repas. Toujours avec le même enthousiasme, avec la même énergie.

Très honnêtement, elle est impressionnante. Je crois savoir où elle va puiser autant d'énergie mais je ne pensais pas que ça en donnait tant, ce que j'avais vu jusqu'à maintenant dans le genre ne m'avait pas vraiment convaincu. Plus sérieusement, je crois qu'avec Flora, j'ai rencontré quelqu'un qui avait véritablement la foi, la foi en Dieu bien sûr, mais surtout la foi en la vie avec une force énorme et pratiquement sans aucun doute. De ce personnage, qui a aussi quelques défauts, que je garde secret, c'est ce qu'il m'a le plus impressionné, cette foi en la vie, qu'il ne faut jamais désespéré. Et on en a eu encore la preuve ces dernières semaines. Alors qu'il n'y avait plus un sous en caisse, que deux enfants nous ont quitté, qu'un autre placé s'est fait renvoyé de l'endroit où il était et que le futur n'apparaissait pas vraiment rose, elle a juste dit « bon je vais aller au Québec faire ma petite tournée sinon on ne finira pas l'année… » Et puis, comme souvent dans les situations difficiles, des appels non attendus sont venu de tout côté pour des dons, des rencontres donnent des espoirs pour l'avenir, …Toujours avoir confiance, c'est ça la clés pour durer aussi longtemps dans une telle tâche. Merci beaucoup pour la leçon…

A tout à l'heure

 

Ps : J'aurai pu vous parler aussi de Jean Luc et Magali et leurs deux pépettes, de Didier et Françoise de l'hôtel Port Morgan, accueillant toujours avec le sourire, de Doudou et Vilna, de Jakson, de Lifen, de Belle Brune, de Stevenson et de tout le personnel de l'orphelinat, de Serge l'informaticien niçois qui va amener internet à l'orphelinat, des amis Québécois, et de tant d'autres dont les rencontres ont ensoleillé mon séjour ici. Et puis évidemment les 50 enfants de l'orphelinat... Merci à tous…

samedi, avril 28, 2007

Heures Sup'

C'était un vendredi. J'étais en attente depuis une semaine d'une météo bénéfique pour ma traversée vers la Guadeloupe. La veille, Didier, qui s'occupe de l'hôtel Port Morgan, m'a dit qu'il y avait deux femmes de l'organisation gouvernementale américaine USAID à l'hôtel, qu'elles travaillaient sur la santé sur l'île et qu'il serait intéressant que je les rencontre pour parler de l'action de Flora depuis vingt ans et de ce que je pensais de l'état sanitaire de l'île. Nous avons donc fait une réunion le soir même, très constructive. A mon grand étonnement, ma petite expérience de l'île les a plus qu'intéresser notamment en ce qui concerne la prévention en mettant en place des récupérateurs d'eau de pluie, une vrai politique de nettoyage de l'île et de gestion des déchets ainsi que de la plantation d'arbres un peu partout. De même que l'action de Flora au niveau médicale depuis vingt ans (dispensaire, pharmacie, laboratoire, clinique mobile,…) les a bougrement intéressé. Leur projet, qui est déjà bien avancé, est d'augmenter l'offre de soins et la prévention partout sur l'île en développant le dispensaire d'Etat (elles travaillent évidemment avec le ministère de la Santé Haïtien) et en créant des antennes sur l'île ou en renforçant celles déjà existantes. Et ce n'est qu'un début, l'USAID, vous l'imaginez, est un monstre de moyen en tout genre et dans tous les domaines.

Rendez vous était pris pour le lendemain matin pour leur donner quelques coordonnées de personnes que j'ai croisé sur l'île pendant mon séjour. Leur programme était d'aller voir Flora mais je ne me voyais pas revenir à l'orphelinat d'autant que je ne voyais pas ce que je pouvais amené à une réunion médicale… Mais elles m'ont convaincu d'aller avec elles et l'infirmière du petit dispensaire privé de Cacoq. J'ai fini par accepter malgré ma crainte de renouveler l'expérience de dimanche dernier. Avec la vedette de l'hôtel, le trajet a été plus rapide qu'à pieds et nous sommes vite arrivés devant l'église du Père Esnaud. J'avoue que j'étais très heureux de revenir, de revoir une dernière fois, avant la prochaine, le village et l'orphelinat. Il s'avère que Michel, de Port au Prince, avait annoncé à Flora une heure auparavant que j'étais à présent parti…

La surprise a donc été complète à mon arrivée et l'accueil a été au top. J'ai adoré voir les visages de Stevenson, Danilio, Ti Paul que ceux de Robinson, Olgens, Joseph et Agathe qui jouaient dans l'avant cour. D'abord étonné puis avec un grand sourire. Ça fait vraiment très plaisirs. Et puis, nous sommes montés dans le lieu de vie. Tada, la première, a lancé un grand cri dans son fauteuil. Puis Sœur Flora est sortie du bureau où elle était en réunion avec Ronald, le comptable. Grand sourire aussi. Présentation, petit échange pour situer l'action de l'USAID et réunion tout de suite. Le temps est compté. Il faut faire vite pour avancer le plus possible.

Je suis resté à l'écart en les laissant parler ensemble de choses que je connaissais pour rester avec les timounes. Après mon tour de bises aux handicapés, une porte s'est ouverte et la petite Yveline est apparue, étonnée elle aussi de me voir là et avec un visage qui rayonnait. Elle a fait quelques petits pas cabotins avant de me sauter dans les bras et de me serrer très fort tandis que les autres petits s'accrochaient comme d'habitude à mon short. On a fait le tour de l'orphelinat pour dire bonjour aux cuisinières et aux lavandières, avec de grand sourire partout. Quel bonheur !

Je me suis tout de même résolu à aller participer à la réunion qui devait atteindre son moment vraiment intéressant. J'ai laissé ma petite troupe devant la porte et en avant pour le travail. Flora finissait son exposé sur ce qu'elle avait fait et faisait sur l'île. Restait à parler d'avenir. Et les premières décisions ont été prises tout de suite. J'aime les gens efficaces comme ça. Ça ne tergiverse pas. Ça comprend vite. Ça synthèse vite. Ça décide vite. Ça agit vite. Pas de blabla des résultats… Principal résultat et pas des moindres, les deux laboratoires vont fusionner et la laborantine de l'orphelinat va être intégrée à l'équipe du dispensaire. Fin de réunion, les deux Haïtiennes de l'USAID partent vers le dispensaire d'Etat continuer à travailler. Avec Flora et Ronald, nous voyons tout ce dont on n'avait pas eu le temps de parler avant mon départ, au calme et avec le sourire. Parrainages, travaux, devis, projets, voyages,… Tout est rapidement vue.

Betty, jardinière à l'école de Flora et pensionnaire de l'orphelinat, vient me voir pour me dire qu'elle a déjà passé du temps avec les enfants à la Kay Timounes Yo. Danilio, que Michel a embauché pour Canober et l'entretien de l'orphelinat, va mieux (il est gravement malade mais est bien soigné) et a déjà pas mal bossé dans l'orphelinat. La machine à laver à pédale de Michel est en route. Stevenson masse les handicapés comme je lui ai montré. Djinmsli, Ti kado, Ti France et Wilmy me demandent qu'on aille ensemble jouer à la Kay Timounes Yo. Il est des fois où on sait que l'énergie dépensée n'a pas été inutile. Ça aussi, c'est bon.

Je prends du temps pour aller parler avec Tada qui me fait faire d'abord un tour du centre de vie pour montrer qu'elle marche de mieux en mieux. Je lui dis que je vais revenir, que Stevenson va bien s'occuper d'elle et que peut-être elle marchera seule quand je reviendrai… Yveline me retrouve. Elle ne veut pas jouer. Juste rester blottie à mon cou. Mais l'heure du départ arrive. Celui-ci, c'est le vrai. J'explique à Yveline. Elle ferme son visage. Flora lui dit qu'elles vont m'accompagner jusqu'à la porte. Olgens, Robinson et Jonathan sont du petit voyage. Tout le monde s'arrête au portail. Yveline s'assoit. Elle a l'air vraiment triste. J'essaye de la faire sourire. Seules quelques chatouilles la dérident un peu. Je fais plein de salut avec les mains jusqu'à ce que le chemin me cache de leur vue. Cette fois, c'est bien fini. Au moins pour ce passage. Demain, je pars. La météo est bonne. Ce passage m'a rasséréné. J'avais une impression d'inachevé, je ne sais pourquoi….

Un refrain de Yannick Noah trotte dans ma tête « Dans ma tête, et sur mes bras, dans ma vie, vous êtes là, dans ma tête, et sur mes bras, c'est là que vous êtes, vous êtes dans et sur mes bras… Au parchemin de ma peau, gravé à l'encre d'amour, j'ai paraphé le plus beau et ce qui restera toujours… »

A tout à l'heure

 

PS : Deux femmes bougrement efficaces à l'USAID, une femme à la tête de l'orphelinat, … Je suis de plus en plus persuadé que l'avenir passe plus par les femmes plutôt que par d'affreux machos avides de pouvoir et bouffis d'orgueil. Pensez-y dimanche prochain…

Bonne mer…

mercredi, avril 25, 2007

Dernier jour...

C'était un dimanche. Des dimanches, il y en a toutes les semaines. Mais celui-ci restera longtemps gravé dans ma mémoire. Le 22/04/07... Je m'étais levé à l'aube. Beaucoup plus tôt que d'habitude. Flora partait aux Cayes par le bateau de 7h. Je ne voulais pas la rater pour lui dire au revoir… Je lui ai dit bonjour mais pour l'au revoir, le temps de faire deux-trois trucs avec les enfants et elle s'était déjà envolée. Je la soupçonne de ne pas aimer les au revoir…

La semaine avait été chargée. Les dernières semaines sont toujours chargées. Nous avons fait la dernière sortie avec Grand Citron Vert sur l'île de Caye à l'Eau, une belle sortie pleine de petit bonheur. On a vu tous les salariés de l'orphelinat pour leur faire des horaires et les recadrer un peu plus afin que les travaux soient fait dans les temps. On a rédigé des définitions de tâches. Avec Michel, nous avons fait le tour de l'orphelinat pour recenser les travaux à réaliser, et ils sont nombreux. J'ai essayé de les chiffrer pour trouver des fonds plus tard. J'ai terminé et aménagé la « Kay Timounes Yo », un espace que pour les enfants où ils pourront jouer et dessiner. J'ai finalisé les parrainages, aux moins ceux que j'ai reçus. Cérèze, l'une des premières handicapées que Flora a recueilli, nous a quitté par un beau matin ensoleillé. La petite de Biad, le porteur d'eau, est partie aussi un autre matin. Raymond est venu me voir en me disant : « Timoune li mourri ». La douleur de Biad et de sa femme étaiet insupportable. Michel a disparu un matin sans prévenir. Cela faisait une semaine qu'il était sur le départ en attente d'un appel pour finaliser une adoption à Port au Prince. Je suis allé plusieurs fois à la citadelle, profiter encore de ce beau spectacle et respirer l'île.

Et puis il y avait les timounes qui savaient bien que je partais bientôt, qui se collaient de plus en plus souvent, qui ne me quittaient presque plus pour certains. Ceux qui ont été parrainé voulaient finir leur lettre ou leur dessin pour leur parrain ou marraine. Agathe qui me demandait que j'aille la coucher dès 7h, avant manger ( !) pour être sûre d'avoir son bisou d'avant dormir. Yveline et Robinson qui me guettait dès leur réveil. Dunol qui venait me réveiller. Claudanise et Ti France, à qui un malfaisant involontaire a fait croire que j'allais les adopter, qui ne comprenait pas pourquoi je ne le faisais pas. Etienne qui me demandait si il fallait commencé à monter les pierres à la citadelle pour ma maison. Tada qui me demandait trois fois par jour de marcher avec moi. Ti Jacques qui me serrait fort, fort.

Puis est venu le dernier soir. Ce jour-là, j'avais essayé d'être encore plus attentif qu'à l'habitude, passer moins de temps à respirer pour moi dans ma chambre. Je me suis assis sur la première marche du grand escalier. Agathe est venu s'asseoir sur mes genoux profitant du bain d'Yveline pour prendre la place enfin libre. Claudanise et Djimsli se sont assis à côté de moi. Ti France devant. Derrière Ti kado et Joanne rigolaient ensemble. Dunol était un peu plus bas. Ils m'ont demandé de les emmener avec moi sur le bateau, en Martinique ou ailleurs, c'était pas grave. Alors je leur ai expliqué que non, que je repartais seul, que je reviendrai certainement un jour, que je ne les oublierai pas. Comment je pourrai… Et puis on est resté là, silencieux sous les étoiles et le croissant de lune. Robinson et Yveline nous ont rejoint et se sont serrés contre moi. Même la cloche pour le dîner ne les a pas fait bouger, alors qu'à l'habitude… J'ai fait le mouvement moi-même avec difficulté. Après le repas, j'ai participé à la prière et leur ai souhaité une dernière fois de faire des beaux rêves.

Le lendemain, ils ont mis du temps à se préparer pour partir à la messe. Il a fallu que je les pousse. Ils voulaient rester un peu avec moi. Ceux qui n'y allaient pas ne me quittaient pas bien que je voulais être au calme pour finir les derniers papiers pour Flora et lui écrire une longue lettre, bilan de mon passage ici. J'ai rangé ma chambre. A la fin de la messe, ils sont tous venus. Nous sommes allé planter le pied mango, que j'avais acheté à Camp Perrin, au fond du jardin en lui demandant de grandir vite pour donner des beaux fruits aux timounes. Puis, on a tous ensemble transférer les quelques jouets, les crayons de couleur et le papier dans la « Kay Timounes Yo » dans un autre étonnant. Une fois tout rassemblé dans leur nouvel endroit, Dunol a commencé a chanter des « merci Patrick » et des « allélua » repris par tous en dansant et en levant les bras au ciel, avec des sourires grands comme ça… Est-ce que je pouvais imaginer plus belle conclusion ? Pour le coup, après avoir tout ranger, je les ai laissé tout déranger pour profiter de leur lieu pleinement pour la première fois. J'ai pris mon repas, seul en l'absence de Flora. Enfin seul… Robinson et Yveline était près de moi, la tête sur mes cuisses… Dunol n'arrêtait pas de passer devant la porte du réfectoire ne faisant des grimaces… Je n'ai pas fait de sieste, contrairement à mon habitude mais je me suis allongé dans un coin à même la terre. Très entourés mais dans le calme. J'ai pris mon sac, suis monté au centre de vie. J'ai dit au revoir à Bellebrune et Lisa qui s'occupaient des handicapés, puis à Stevenson qui faisait une petite pause en haut de l'escalier. Un petit tour aux cuisines faire la bise à Mirta et Yves Rose. J'ai glissé 150 gourdes à Mirta pour qu'elle achète une poule à Dunol en surprise. Et puis j'ai pris le chemin de la sortie. Robinson et Yveline qui n'avait pas vraiment compris que je partais tenaient mon sac très fort, sentant bien que quelque chose de pas normal se passait. Robinson a vite lâché mais Yveline est resté accroché. Nous sommes passés à côté du parc sous le grand manguier. Tada, quand je lui ai fait une grosse bise émue, m'a regardé avec un regard d'incompréhension qui m'a terrifié. Je me suis retrouvé seul avec Yveline qui ne décrochait pas. Elle m'a regardé avec son grand sourire malin en me demandant si on allait au bateau. Je lui ai répondu que j'y allais seul. Elle m'a regardé sans comprendre puis s'est jeté à terre en pleurant très fort. Je n'ai pas eu le courage de la prendre dans mes bras pour la consoler et je suis parti en me retournant une seule fois, les yeux humides…

Je ne sais pas quel chemin j'ai pris mais je me suis perdu. L'orage grondait à l'horizon. Marcher, marcher vite pour ne pas se laisser rattraper par l'orage ou les souvenirs, ou les deux. Les premières gouttes sont tombées doucement, bientôt transformées en un grand déluge. Je me suis abrité dans une maison inhabité le temps que ça passe. Je suis resté là longtemps à regarder la pluie en laissant glissées les idées dans ma tête.

Je ne vous oublierai pas timounes yo…

A tout à l'heure

mardi, avril 24, 2007

Riches rencontres

C'était un dimanche. Cela faisait plusieurs jours que les pluies tropicales inondaient l'île. Profitant d'une grosse accalmie, Michel me proposa d'aller dire au-revoir à l'ami québécois Fat et de faire le tour des jardins communautaires de Soulette et Grand Barrière. L'air était encore humide. La terre grasse se collait à nos pieds. Une odeur chaude et profonde émanait du sol. Les feuilles des arbres laissaient de temps à autre des gouttes tombées pour nous rafraîchir. La plage de Grand Sable s'était ouverte par endroit pour laisser le trop plein d'eau du marigot s'évacuer nous obligeant à traverser des estuaires éphémères.

Après un bonjour à Jean-Pierre à Canober, nous avons entamé la montée glissante jusqu'à la kay de Fat au-dessus d'une petite falaise tombant dans la mer. Fat était là à terminer ses préparatif pour retourner dans son Québec chéri et fermer sa maison. Nous avons retrouvé là, Ludger, l'agronome haïtien qui conseille les deux jardins parrainés par Fat et Michel.

Adieu à Fat et départ pour Soulette pour voir et photographier le premier jardin. Les pluies, si elles ont bien arrosées les cultures, ont aussi provoqué ravinage et inondations. Le terrain a bien résisté dans l'ensemble. L'architecture des cultures et les quelques arbres présents certainement. Nous faisons le tour des cultures sur environ un hectare. Tomate, manioc, choux, potimarron, poivron, carotte, patate douce,… Tout pousse doucement mais surement sous les soins de Ludger et de Junior, l'un des responsables du jardin. On prend les photos de ce qu'on donné les graines données par l'ONG Kokopelli à Michel et on repart vers l'orphelinat. L'après midi, nous sommes allé vers Grand Barrière. Là le terrain, plus exposé, a plus souffert des pluies. Nombre de petites pousses se sont retrouvées en aval, au point le plus bas du terrain. Du travail à refaire ou à oublier… Ludger nous explique que l'idéal serait qu'il y ait des arbres autour du terrain pour retenir la terre. Des arbres…

Quelques jours plus tard, nous partons avec Michel sur la grande terre. Il veut me faire le tour des points stratégiques et des relations qu'il s'est tissé pendant ses quatorze années ici. D'abord, l'école-centre des métiers-orphelinat du Père Marc. Une grosse machine destinée à recueillir et remettre sur le chemin les enfants des rues : 550 enfants en trois lieux, 127 salariés. Des hectares de cultures à une demi heure des Cayes. Les enfants sont bien encadrés et réunis en petit village suivant leur âge. Très intéressant. Nous sommes loin de l'orphelinat St François…

En fin d'après midi, nous rejoignons René, le mari haïtien de Myriam, ancienne volontaire à l'orphelinat, pour nous diriger à Torbek où il habite tous les deux avec leur trois enfants. Myriam a transféré l'école qu'elle avait créée à Canober, sur l'île, ici en début d'année. J'avoue que j'étais impatient de cette rencontre. Depuis le début de mon séjour, Michel, Flora et tous ceux qui m'ont contacté par mail, me parlaient de Myriam. Je n'ai pas été déçu. Après la visite de la petite école en bord de route, nous avons longuement parlé autour de la table de leur maison. Beaucoup de l'orphelinat, de son organisation, de l'école, des enfants, des projets,… une soirée riche qui nous a fait du bien à tous.

A l'aube, nous quittons Torbek pour aller à Camp Perrin à une trentaine de kilomètre à l'intérieur, au pied des montagnes. Là bas, se nichent une pépinière monté par un Irlandais. Je dois y acheter le Manguier que je veux planter à l'orphelinat. On fait le tour des plantations. On choisit le manguier. Puis on part en balade après une halte dans la grande bambouseraie que tapissent aussi de vieux avocatiers. Sérénité. Nous nous arrêtons chacun près d'un arbre, peut être pour lui parler, pour lui puiser un peu de son énergie, pour nous rasséréner…

Puis, Michel m'emmène le long d'un canal ruisselant, vieux de la colonie française. Jusqu'à l'atelier école monté par un Belge il y a une vingtaine d'année. Il n'est malheureusement pas là. On se retrouve bientôt au milieu de grosses machines outils avec de gros bruits de ferraille. Après le calme de la bambouseraie, le contraste est fort… Mais l'installation est impressionnante. Pendant tout le chemin, Michel me raconte de nombreuses et belles histoires qu'il a vécu ici, avec un petit peu d'amertume dans la voix.

Nous retrouvons les Cayes d'où Michel rejoint Madame Bernard, tandis que je profite du bateau de l'hôtel pour revenir à Cacoq. A bord, il y a Yvan, un Suisse rencontré deux jours auparavant à l'orphelinat qui se repose à Port Morgan. Yvan a travaillé pendant plus de quinze ans pour le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU. Il connaît le système humanitaire par cœur. Je le questionne, lui demande nombre de précisions. Il raconte, explique patiemment. Nous parlerons ainsi longtemps dans le bateau puis au bar de l'hôtel. Encore une rencontre très riche.

Je peux rejoindre l'orphelinat riche de nouvelles connaissances, de nouvelles réponses, de nouveaux projets qui se profilent tout doucement dans la tête.

A tout à l'heure

 

PS : Je sais ces derniers temps, je n'ai pas été très bavard. C'est que mes derniers jours à l'orphelinat ont été encore plus occupés qu'à l'habitude et je n'ai pris que très peu de temps pour aller au bateau et donc écrire. Je vais essayer de combler le retard avant de partir vers les petites Antilles.

lundi, avril 16, 2007

En dehors de l'orphelinat...

C'était un dimanche et on m'a laissé ce petit mot… « Moi, je suis une petite fille de deux ans et demi qui vit chez Sœur Flora avec plein d'enfants avec qui ont fait plein de trucs toute la journée. On rigole bien surtout. On mange les mango et les amandes qui tombent des arbres. On joue avec les plus grands qui nous prennent quelques fois pour des poupées, mais on se défend. On rigole avec les handicapés qui sont super sympas avec leur grand sourire (enfin certains). Et puis Sœur Flora est toujours au petit soin. Elle nous fait des grimaces, joue un peu et puis elle nous donne des sucreries aussi. Ça c'est chouette. Des fois, il y a un blanc qui vient vivre avec nous et qui est très gentil et qui nous fait jouer ou dessiner. Bref, c'est la belle vie…

Mais aujourd'hui, il y a eu un truc pas comme d'habitude. Les grands m'ont dit qu'on allait en bateau. Ils m'ont demandé si je voulais y aller. J'ai dit oui sans savoir… J'aurai peut être du me renseigner avant. Enfin, je sais pas comment… Mais j'aurai peut être du.

Ça a commencé après le repas du midi. Les grands avaient enlevé leurs beaux habits de la messe et ils étaient tout excités. Il y a eu Michel et Patrick qui ont dit « on y va timoune yo ». Moi j'ai suivi. D'abord, la mains dans celle de Shilove pour aller dans la rue. Je la connais un peu la rue mais en fait que les quelques mètres autour de l'orphelinat. Quand j'ai vu comment elle était grande la rue, je suis monté sur le dos de Valentine. C'est moins fatigant. J'ai beau trottiné toute la journée. J'ai que deux ans et demi et des petites jambes… Et puis là ça descend avec des crevasses de partout. Il y avait plein de gens que je ne connaissais pas tout autour. ET puis on est arrivé dans une espèce de grand champ avec des maisons partout et une grosse, blanche et verte (je connais les couleurs…) avec derrière une grande étendue avec plein de miroir dessus qui sont jolis. Mais ça à l'air de bouger beaucoup… Et puis on est allé dans un grand couloir mais sans mur et avec de l'eau partout autour. On m'a mis dans une machine orange qui bougeait. Il y avait Tada à côté de moi (Tada, c'est ma copine qui est dans un siège et avec qui je rigole beaucoup à l'orphelinat) et puis les autres autour qui rigolait. Moi je m'inquiétai. J'ai pas l'habitude que ça bouge comme ça. Patrick avait beau essayé de me faire rire. Moi, je rigolais pas. J'avais un peu peur je crois. Je ne sais pas si ça allait me plaire le bateau.

On est arrivé assez vite sur une grande machine qui était aussi sur l'eau. Il y avait un trou en dessous. L'eau bougeait dans tous les sens en faisant beaucoup de bruit. Je savais pas trop ce qu'il fallait faire. Enfin, on faisait pour moi alors ça allait. Les autres rigolaient et criaient dans tous les sens mais toujours pas moi. Je regardais et j'essayais de voir s'il n'y avait pas trop de risque quand même. Bon, ça me rassurait quand même de voir les autres rigoler.

Patrick a pris un grand jouet rond dans ses mains mais sans le faire bouger de trop. Ça pas l'air trop rigolo comme jeu. J'étais toujours assis à côté de Tada qui rigolait comme jamais. Toujours pas moi. Claudanise et Valentine chantaient mais j'arrivai pas à me concentrer sur la chanson. C'était bizarre tout autour de moi. On était sur une espèce de plate forme qui bougeait. La maison blanche et verte devenait de plus en plus petite. On a croisé ce que je crois être des bateaux avec des grands draps blancs dessus. Et puis, Patrick m'a pris dans ses bras et puis il a marché sur la plate forme jusqu'à un endroit où il y avait un grand trou avec un filet. Il m'a expliqué plein de truc mais en Français. J'ai pas tout compris mais ça m'a un peu rassuré qu'il me raconte des histoires et qu'il me montre plein de chose et surtout qu'on pouvait jouer là-dessus. Il y avait de l'eau partout autour de la plate forme (il parait que c'est le bateau de Patrick. Je sais pas ce qu'il fait avec. Il est un peu bizarre lui aussi non ?). On a croisé un autre bateau tout près avec des gens dessus qui nous ont fait salut. Alors j'ai fait salut mais toujours pas avec le sourire. Je l'ai facile mais là, il était coincé. Je sais pas pourquoi. Mais il était bien coincé. Il s'est un peu décoincé quand on a fait des acrobaties avec Patrick mais il partait tout de suite après. Tada, elle rigolait toujours et de plus en plus. Ça m'énervait un peu mais c'était finalement bien.

Patrick m'a ramené derrière. Et puis on est arrivé sur crêpe blanche avec des arbres en plein milieu de l'eau. Bizarre encore. Là on m'a mis toute nue (ça j'aime bien) et puis on m'a remis dans le truc orange avec tous les autres pour aller sur la crêpe. Là c'était encore plus bizarre. Michel m'a mis par terre sur le blanc. C'était tout mouillé et ça grattait les pieds. Les autres se vautraient la dedans, complètement fou. Ça doit gratter partout ça. Bon, on s'est mis toutes les deux avec Tada qui riaient toujours et puis Michel qui me lançait de l'eau pour me faire rire mais j'aimais pas trop ça et puis c'est salé pas comme les bains dans la bassine de l'orphelinat avec Bellebrune qui me fait des caresses. Je me suis assis parce que debout c'est fatigant et pof, je me suis pris plein d'eau plein de sel dans la tête. Je me suis remis debout et loin de l'eau pour que ça recommence. Il y avait aussi Agathe et Wilmi qui rigolait en se roulant dans l'eau et le truc blanc. Elles sont plus grande mais un peu fofolle là.

Patrick est arrivée par l'eau en flottant. Il est vraiment bizarre. Il a essayer de me faire rire mais ça avait du mal à venir. Il m'a pris dans ses bras. Ça j'aime bien. Mais pour m'emmener dans l'eau. Encore… Bon, en fait c'était pas mal parce que je me suis habitué un peu mais dès que j'en avais dans la tête j'aimais pas. J'avais peur de tomber alors je m'agrippais très fort. Et puis l'autre, il essayait de me détacher pour m'allonger dans l'eau. Non mais ça va pas ? Allez on retourne sur le truc blanc. Ça gratte mais au moins on a pas d'eau dans les yeux. Ça gratte les yeux l'eau plein de sel. Avec Tada et Raymond, ils faisaient un gros tas de truc blanc qui gratte. J'ai un peu fait mais je trouvai pas ça très rigolo alors que Tada et Raymond, ils avaient l'air d'adorer. Bon, j'attendais debout en les regardant. Je souriais de temps en temps histoire de leur dire que j'étais avec eux mais j'étais ailleurs. Je me demandais plein de trucs dans ma tête : qu'est ce que c'est que tout ça qui n'est pas pareil que chez Flora ? Et puis autant de l'eau ? Et puis le truc blanc qu'ils me mettent quelques fois sur les cuisses ou dans le dos en riant bêtement ? Bon, je me demandais, c'est tout. J'avais pas peur. Je pleurai pas. Je me demandai, c'est tout…

Au bout d'un moment eu froid. C'est bizarre aussi le froid. D'habitude, j'ai chaud, tout le temps. Là j'avais froid avec le vent. On est reparti sur le truc orange vers la grande plate forme. Là on m'a mis une grande serviette autour de moi. J'étais à côté de Raymond et de Tada. J'ai mangé un gâteau. Tout allait mieux et j'ai commencé à rigoler vraiment. Ouf ! J'avais peur que ça ne revienne pas… Il y avait de la musique alors on a un peu dansé avec Wilmi et Agathe en rigolant. On s'est de nouveau éloigné de la crêpe pour avoir de l'eau tout autour de nous. Patrick m'a de nouveau emmené mais cette fois là où il y avait plein de trous avec la mer en dessous. Lui, il avait l'air tranquille. Olgins qui était à côté de lui aussi. Moi j'avais un peu peur et j'ai préféré m'asseoir sur lui. Je voulais pas tomber par les trous. Il y avait un grand drap au dessus de nous. C'était beau mais j'avais toujours un peu peur.

On est retourné à l'arrière. Patrick à rejouer avec son gros jouet pas drôle. On m'a remis ma robe puis sur le truc orange. Et enfin, j'ai pu marcher sur quelque chose qui ne bougeait pas. On est remonté chez Flora sur le dos de Tamara cette fois. J'ai retrouvé Flora avec un grand sourire. Bellebrune m'a baigné avec de l'eau sans sel et en me faisant des caresses avec du savon. On a mangé. C'était bien. J'ai pas attendu la prière (c'est rigolo la prière on est tous ensemble en rond et on chante…). J'ai été dormir tout de suite et puis j'ai rêvé tout plein.

Demain, tout ça, je vais le raconter aux copains avec leur couche : Robinson, Bruno, Jonathan, Robertson. On va essayer de comprendre tout ce que j'ai vu. Et puis on ira manger des amandes et des mango… »

A tout à l'heure

 

PS : j'aurai pu vous parler d'une balade sur la grande terre à rencontrer plein de gens intéressants et des lieux étonnant, d'une autre balade avec Michel et un agronome haïtien plein de volonté pour faire pousser plein de chose sur l'île à Vache, de réunions avec Flora et Ronald le comptable pour essayer de mettre les comptes au clair, d'une journée de peinture pour que l'île aux Timounes soit prête avant mon départ… Peut être une autre fois…

Et Le Pen, il en est où ? Bonne votation ! Je suis un bon citoyen, j'ai mon voteur en France, merci Lolo.

mardi, avril 10, 2007

Osny

Osny

C'était un jeudi. J'avais demandé à Osny, 18 ans, pensionnaire de l'orphelinat depuis ses trois ans et aujourd'hui étudiant aux Cayes, de m'écrire son parcours à l'orphelinat. Il m'a apporté son texte samedi. Il m'a beaucoup touché. Je lui ai demandé si je pouvais le partagé avec vous. Il a accepté plein de fierté et d'émotion dans les yeux. Osny va aussi s'occuper de rédiger un petit journal pour envoyer des nouvelles régulières de l'orphelinat à tous les donateurs et aux anciens volontaires. Bonne lecture…

« Le passé est peut-être tout ce qu'on a laissé derrière nous. C'est peut être aussi le présent qui s'efface à petit pas. Moi, voici mon passé. Ces souvenirs enfouis et peut être oubliés dans un coin de ma mémoire…

Mon arrivée au centre Saint-François s'est réalisée de façon imprévue. Je devais avoir trois ans. Dans la soirée, j'étais chez ma mère, j'ai fait une crise (je suis trépanocytaire de naissance). Ma mère n'avait pas les médicaments qui pouvaient arrêter ma crise. Et moi, j'ai pleuré toute la nuit. Je hurlais même ! A l'aube, à l'heure où mes sœurs s'en allaient à l'école, j'ai été conduit à l'hôpital. L'hôpital, c'était le centre Saint François.

Dix minutes après mon arrivée, j'étais alité, un soluté au bras. Ce rituel continuera toute ma vie : le lit et le soluté…

C'est ce matin là que j'ai vu Sœur Flora pour la première fois. Elle avait quelque chose en elle qui captait l'attention. Peut être la petite croix qu'elle portait au cou. Mais ce dont je me souviens était encore plus frappant : sa façon de sourire derrière ses petites lunettes de verre, un sourire rassurant.

La seringue en main, elle disait en souriant « tu vas voir, ça ne va pas faire mal et dans deux minutes, ce sera fini ! » Deux minutes plus tard, c'était terminé mais la piqure faisait quand même mal. Puis elle m'a apporté un verre de lait et quelques comprimés à avaler avec. Ensuite, j'ai du dormir.

Au réveil je n'avais presque plus mal. J'ai remarqué quelque chose de bizarre : une valise bourrée d'affaire était à mes pieds. Je me suis dit que c'était pour ma mère. Ce n'est que plus tard que j'ai compris que c'était ma valise. Quand ma mère m'expliqua qu'elle allait partir et que je resterai pour toujours avec la sœur…

« Mais non ! Tu ne peux pas me faire ça ? ! »

« C'est pour ton bien mon enfant. Quand tu seras grand, je viendrai te chercher… »

J'ai cru en cet « je viendrai te chercher ». A cet âge, on croit tout ce qu'on nous dit… A présent, je sais que c'est pour mon bien qu'elle n'est jamais revenue. Elle ne viendra jamais désormais.

Le soluté terminé et avec la nuit approchante, Sœur Flora m'a fait déménager. J'ai quitté la salle d'urgence pour la chambre où je passerai sept ans de ma vie. J'avais un lit à côté de Junior. On ne se connaissait évidemment pas mais il me regardait d'une drôle de façon. J'ai passé toute la fin d'après midi jusqu'à l'heure du coucher dans mon lit. Les autres enfants jouaient dehors. Moi, j'étais encore trop malade et trop timide pour le faire. Je ne suis sorti qu'à l'heure du souper. Puis à l'heure de la grande prière du soir. Après j'ai eu du mal à m'endormir. Une page venait d'être tournée dans ma vie. Une page nouvelle se présentait.

La première semaine

J'ai eu du mal à m'habituer aux enfants, à m'adapter avec eux. J'étais comme un étranger parmi eux. Je pleurai à chaque fois que je pensais à mes parents, encore plus lorsque ma mère venait me voir. Au fond de moi était encré une petite nostalgie qui tardait à disparaître. Le souvenir de ma famille de sang était toujours en moi. Elle tardait à disparaître. Elle ne disparaitra jamais.

Tout d'abord, j'ai eu droit à une semaine de repos après mes crises. J'en profitais pour lire et étudier. Le matin, tous les autres enfants s'en allaient à l'école. Moi, je restais à l'orphelinat pour récupérer ce que j'avais perdu.

La première semaine, j'ai connu des enfants comme Toto, Robinson, Junior… Robinson était aussi maladif que moi, sauf que moi, je l'étais beaucoup plus. Toto, lui, me faisait peur. Junior était marrant et on l'appelait « gros zorey »…

Une chose m'a beaucoup surprise la première semaine : la grosse cloche. C'est elle qui rêgle tout chez nous. L'heure du lever, de prier, de manger, de se réunir, d'étudier. Cette cloche doit avoir 25 ans aujourd'hui. Aujourd'hui, je me pose beaucoup de question à son sujet. Combien de repas j'ai pris grâce à elle ? Combien de fois m'a-t'elle tirée du sommeil ? Combien de fois nous a-t'elle réuni ensemble dans la prière ? Combien de fois nous a-t'elle réuni pour étudier ? Elle a assuré une bonne partie de mes études primaires. Grâce à elle, maintenant, je suis en phase terminale. Chaque matin, on se levait à 6 heures. Au son de la cloche, on pouvait dire adieu au sommeil. Sœur Flora passait dans les dortoirs pour réveiller ceux qui ont le sommeil plus lourd… Après on priait. Notre prière constituait à une série de dizaine de chapelet qu'on récitait et à des chants. Ensuite, on se disait « bonne journée ».

Après, c'était la lutte pour se baigner. Les plus rapides arrivent toujours en premier sous la douche. Les plus lents n'avaient qu'à attendre leur tour… Ensuite, c'était madame Gladysse qui nous habillait. Elle nous donnait à chacun nos chemises, nos petits pantalons courts, nos slips, etc. Après il fallait se battre pour les chaussettes, pour essayer d'en avoir une paire. Puis venait l'heure de se peigner les cheveux. L'heure la plus redoutée de nous tous car nos cheveux étaient poivres et mme Gladysse ne perdait pas beaucoup de temps avec eux. A chaque fois qu'elle passait le peigne, c'était comme si on nous arrachait la tête. On faisait des grimaces en quantité. Mais comme toute peine mérite son secours, après c'était nos boite à lunch qui nous faisait sourire. On avait tous de lait, de pain et des petits bonbons. On devait normalement les manger à la récré mais les plus gourmands n'attendaient point cette heure…

L'école Saint-François était à deux pas. « Donc pas de raison d'être en retard », disait Sœur Flora. Souvent, on était déjà dans la cour quand la petite cloche sonnait. A l'époque on avait pour directeur J-C Fanfan. Il était aussi notre superviseur à l'orphelinat. C'était un homme au regard pénétrant derrière ses petites lunettes. Maintenant, il est mort.

Après le son de la cloche, on se mettait tous en rang par classe, le regard fixé au bicolore (le drapeau haïtien NDLR). Sur ordre de Fanfan, on faisait silence, puis on chantait la Dessalinienne (l'hymne haïtien NDLR) : « Pour ce pays, pour les ancêtres, marchons cuna (maintenant) ». Le pays c'est Haïti, autrefois « perle des Antilles », aujourd'hui un pays en ruine, qui souffre énormément à cause de son passé. Les ancêtres sont ceux qui se sont battus pour nous donner la liberté. Aujourd'hui, on pense tous être libre, mais moi, je pense que la liberté, c'est pouvoir subvenir à ses propres besoins, sans l'aide d'autrui. Donc, pour moi, Haïti n'est pas libre.

Arrivé en classe, le prof réclamait le silence et demandait de sortir nos livres. On avait des livres de Français, d'orthographe, de lecture, d'histoire, de géographie, de math, de science… Puis nos cahiers et nos crayons. Moi, j'aimais beaucoup les cours de Français, d'orthographe, de grammaire, de lecture, de géographie…

L'école se terminait à 12h pour les plus petits et entre 13 et 14h pour les plus grands. La récré était la période la plus attendus de nous tous. C'est l'heure où l'on mangeait ce que l'on avait apporté, où l'on rigolait et où l'on jouait. Quand l'école se terminait, on était encore plus content que pendant la récré, tout souriant de retourner à l'orphelinat.

Avec ce même rituel, j'ai passé six ans à l'école St François, jusqu'à l'heure d'entrer en secondaire. J'ai passé six ans à être toujours premier de ma classe, six ans à être malade très souvent, six ans à apprendre à rire, à jouer et aussi six ans à pleurer, à gémir de douleur. J'étais le chouchou de tous les professeurs. Le chouchou intelligent et maladif… J'ai passé aussi six ans à lire Cendrillon, Petite Poucet, Blanche Neige, La Petite Sirène… J'ai passé six à adorer la lecture. Six ans à me demander en vain pourquoi je tombais malade à chaque fois que je me baignais dans la mer. Six ans aussi à détester la mer. Six ans à me trouver différent des autres, trop intelligent et trop maladif à la fois. Trop unique.

C'est comme la fois où nous devions laver la citerne de l'école. Sœur Flora nous l'avait annoncé un vendredi soir. Nous étions très content car la citerne était à moitié pleine. On se disait qu'on allait pouvoir nous baigner avant de la laver. Le lendemain matin, après notre petite prière et après la douche, nous avons avalé en un temps record notre petit déjeuner. Ensuite, on sonna la cloche pour rassembler ceux qui étaient déjà partis jouer ailleurs. C'était Toto qui commandait notre troupe. On avait une pompe électrique pour faire remonter l'eau et des brosses pour frotter la citerne et enlever les limons. On supplia Toto pour qu'il nous laisse nous baigner avant. Comme il accepta, on a tous enlevé nos habits et, tout nu, on a sauté dans la citerne. C'était formidable ! L'eau nous arrivait presque jusqu'au cou. On riait. On se baignait…

Mais deux heures plus tard, j'étais le seul à être alité avec un soluté dans le bras. J'étais le seul à hurler de douleur. J'étais le seul à vomir tout ce que j'avalais. J'étais trop unique, trop maladif, trop différent… J'étais le seul à être comme je suis…

Très tôt, j'ai pris conscience des difficultés que j'aurai à croiser le long de ma vie. J'ai su que je n'étais pas comme les autres et cette différence me fera beaucoup souffrir.

« Pourquoi Dieu m'a-t'il créé ainsi ? », me questionnais-je en vain. Pourquoi suis-je différent des autres ? Pourquoi suis-je toujours premier en classe, mais dernier en santé ? Plusieurs fois, je me suis dit que c'était mieux de ne pas être trop intelligent que d'avoir à souffrir toute ne vie d'une maladie incurable. Je ne dis pas que, si j'avais le choix, je changerais de cadre, je choisirai d'être en santé plutôt que d'être intelligent. Mais les voies du Seigneur sont impénétrables, celle du destin aussi. Le Destin est mon seul soulagement. Bien que je l'ignore complètement, je me dis que si Dieu m'a créé ainsi c'est peut-être pour me confié une mission à accomplir dans sa vie. Je me dis que la mienne doit être spéciale. « C'est pour vous que la terre porte ses fruits », écrit K. Gibra      n dans son livre. Mais moi, qu'apporterai-je à demain, à Saint-François, à Haïti ?

Le centre St-François reçoit non seulement les orphelins, mais aussi els handicapés physiques et mentaux. Ce sont des jeunes qui dépendent totalement des autres. Il faut les baigner, les changer, les nourrir, et les déplacer. A l'orphelinat, quand j'étais gosse, on avait tous un handicapé à qui donner à manger puis à boire. Sœur Flora nous disait souvent de bien soigner les handicapés et de les respecter car c'est une chance que l'on ne soit pas à leur place et que l'on ne sait pas de quoi demain sera fait. Quand elle parle comme ça,je me rappelle toujours de cette partie de la bible où Jésus dit à ses disciples : « On vous mesureras de la mesure dont vous avez mesurez les autres. » Quand un handicapés meurt, pour Sœur Flora, c'est un petit Saint qui est parti au cieux nous préparer une place tout près de Dieu, et qui peut nous aider à trouver des faveurs dans le royaume céleste. Comme dit la Bible : « Laissez venir à moi les enfants, le royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemble. »

Les handicapés ne sont pas libre physiquement mais mentalement, je crois qu'il le sont. A en juger leur regard, on peut voir qu'ils ont faim, peur, soif, où qu'ils sont contents. Je crois que les handicapés ont une capacité à endurer la souffrance que nous n'avons pas, nous les « normaux ». Ils ont quelque chose de mystérieux. Une sorte d'esprit propre à eux. Une façon de regarder, de voir, d'être content ou fâché. Ils sont peut-être plus heureux que nous dans leurs fauteuils ? Eux, ils se contentent de vivre l'instant. Nous, on vit avec des objectifs, des projets. Ils ne s'inquiètent pas de la guerre en Irak, ni de l'heure qui passe. Ils se contentent de fermer les yeux la nuit et de les ouvrir le matin. Nous, nous avons trop peur. Peur de l'heure qui passe, peur des autres,peur de nous-même. Peur de demain qu'on ne connaît pas. Nous avons trop peur. Nous voulons trop souvent éviter à tout prix l'inévitable. Nous voulons trop souvent éviter la mort. Pourtant, ce demain qui nous fait peur, fait partie de notre vie, de nous-mêmes. D'où la preuve que nous avons trop peur de nous-même car le choc est à la fois la vie et la mort. Il porte les deux en lui comme une mère porte dans ses bras ses deux enfants.

Les handicapés eux ont la chance de ne pas avoir peur de la mort et c'est ce qui les rend unique et différent de nous. Ils y en a qui se disent malheureux sans savoir qu'il existe des plus malheureux qu'eux, mais à l'exemple des handicapés, je constate que les plus malheureux ne se plaignent jamais. D'un côté, ils sont aussi les plus bienheureux, pas dans le sens matériel du mot, mais dans le sens naturel.

Il y en a aussi qui sont heureux de voir les autres heureux. C'est le cas de Sœur Flora. Ces gens là ont un objectif à atteindre : rendre les autres heureux en sacrifiant leur vie. Leur bonheur se trouve dans le sourire de l'autre. Ces gens là aussi sont des bienheureux ! Mais, ces gens ne sont pas nombreux.

Je vais terminé avec cette phrase : « Heureux ceux qui rendent les autres heureux, la vie les récompensera. »

La vie est tout ce que l'on a, tout ce que l'on n'a pas, tout ce que l'on possède, tout ce que l'on ne possède pas, mais qu'on rencontre chez les autres. »

jeudi, avril 05, 2007

Des p'tites balades pour des vacances

C'était un samedi. Mon premier samedi à l'orphelinat. Les enfants étaient en vacances depuis une semaine à s'occuper comme ils peuvent dans et hors l'orphelinat. J'ai décidé d'emmener le gros de la troupe à la découverte de l'île avec comme but la plage de la Hatte pour une petite baignade. Les petits nous ont regardés partir avec envie et déception mais je me voyais mal les porter au retour voire dès l'aller… Michel nous accompagne et joue à merveille sont rôle de chef de bande. En tête de la colonne, il entonne chant sur chant mettant de l'entrain à notre petit groupe (une vingtaine tout de même…). Pour la majorité, c'est la première fois qu'il sorte de l'orphelinat et de Madame Bernard. Découverte de tout ce que l'on voyait depuis la citadelle la veille : les mangroves, les grands pieds mangos, les petites maisons qui s'étale de temps à autres sur les mornes et le long des chemins. Petit arrêt devant une truie qui donnait à manger à ses petits. Un coucou à Jocelin qui vient travailler de temps en temps avec les ébénistes de l'orphelinat pour profiter de l'électricité. Michel en a profité pour remplir d'enfant le cercueil que Jocelin était en train de finir, le tout dans des grands éclats de rire.

Et puis, au bout du chemin, la plage avec ses petites vagues. En moins de cinq minutes, les enfants sont déshabillés, beaucoup complètement (si Flora voyait ça…), et courent dans l'eau. Grande rigolade générale, jeu de ballon, brève leçon de natation, arrosage en chaîne… Ti Cado, de son prénom Nicolas, qui revient de Port au Prince où il était en attente de départ en France pour une adoption qui se prolongeait trop pour des raisons administratives, nous fait une démonstration de toute sa malice et de sa curiosité. Encore mouillé, il se roule dans le sable et vient me voir en me disant : « moi aussi je suis blanc… » . Evidemment les autres enchaînent voyant que ça nous fait rire et l'on se retrouve avec une bande de petit blanc rigolard. Mais bien vite, chacun reprend son identité en plongeant de nouveau et en commençant des châteaux de sable avec passion.

Nous n'avions pas prévu de repas et nous devons bientôt reprendre le chemin inverse vers l'orphelinat mais non sans faire un pi stop chez la maman de Jocelin pour acheter quelques gâteaux… Assis sous un pied mango, chacun déguste ses biscuits. Sous la chaleur du soleil de midi et la longueur du chemin, les pauses sont nombreuses dès qu'il y a de l'ombre. C'est pas humain de marcher dans ce pays… Au détour d'un chemin et après une pause prolongée avec Michel et Wilmi, les timounes nous surprennent en sortant d'un buisson où ils s'étaient cachés, le tout avec des puissants « hou ! » puis des éclats de rire magistraux.

Dernière côte, dernier virage et nous pénétrons dans l'enceinte de l'orphelinat par l'entrée béante du mur écroulé qui ne sera bientôt qu'un lointain souvenir. Chacun se précipite dans le réfectoire pour un verre d'eau salvateur puis sur leur assiette de riz-fève qu'il dévore. L'après midi a été plus calme et les siestes nombreuses…

Le lendemain, ce fut le départ à la messe le grand évènement. La préparation est longue. Les beaux pantalons, les belles robes, les chemises neuves et repassées, et les coiffures longues à préparer pour les filles sont de rigueur… Chacun part en petit groupe vers l'église du Père Esnaud. D'un seul coup, c'est le grand calme dans l'orphelinat. Nous nous retrouvons à quatre adultes dans le lieu, avec les handicapés et les tout petits. C'est tranquille… Les timounes viennent avec moi faire des dessins devant ma chambre.

En fin d'après midi, après mon petit tour à la citadelle, on fait une partie de foot improvisée avec les « moyens » dans des grands éclats de rires. Après avoir compris comment contrer le talent et la fougue de James Li, on gagne par 7 à 6 grâce à tous les buts de Ti France qui rayonne de bonheur. Après le septième but, je décide moi-même de la fin du match sous les hués de l'équipe adverse. Il fait nuit. C'est normal d'arrêter, non ?

Deux jours plus tard, GCV a pris de nouveau le chemin de Madame Bernard pour une nouvelle journée à la plage. Découverte de Cacoq et de l'ouest de l'île, grandes rigolades, yeux plein de sourires, bonheurs partagés,… Il y a des fois, je me demande si ces enfants ne sont pas trop gâtés…

A tout à l'heure

PS : Alors la course effrénée à l'Elysée, ça se passe bien ? Si vous saviez ce que c'est bon d'être loin de cette agitation politico-médiatique…