je vais faire un petit tour

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lundi, janvier 29, 2007

D'un monde à l'autre

Nous étions en fin de matinée. Il y avait du soleil, une brise légère. Nous avions le sourire intérieur. Dernier petit mail. Au revoir au personnel du chantier. Moteur. Amarres larguées. Enfin !

Ce lieu, au fond de la lagune principale de l'île de Curaçao, face à cette immense raffinerie, au milieu d'une zone semi industrielle, avec son eau croupissante, noire et quelques fois puantes, ne respire pas la vie. Très vite, il devient étouffant, comme si des ondes négatives nous imprégnaient peu à peu.

Mais il est déjà derrière nous. Nous passons la petite presqu'île qui domine l'endroit et il a disparu. Le chenal entre Punda et Otrabanda est devant nous. Nous sommes sous le tablier du grand pont suspendu qui enjambe ce bras de mer. Bientôt la grande respiration. Le pont piéton et flottant s'écarte pour nous ouvrir le grand large. Nous y sommes. Les coques retrouvent cet élément mouvant qu'elles aiment tant. Grand voile avec un ris ? il faut ménager la monture -, Yankee déroulé et on voit se dérouler la côte de Curaçao à dix n?uds. Magique. Avant-hier, j'étais dans une salle commune d'hôpital. Il y a une petite semaine dans la grisaille de la banlieue parisienne. Qu'ils sont beau les contrastes que nous offrent la vie?

Je me sens étonnamment bien et en confiance sur GCV. Michel, lui, prend ses marques. Cela fait six ans qu'il n'a pas navigué. On disfrute chacun de ce moment que l'on attendait trop. Bientôt, Curaçao est dans la sillage. On prend le bon cap pour l'île à Vache, un peu plus serré au vent mais toujours portant. GCV accélère. Il s'ébroue. Il aime ça. Je lui laisse cette récréation avant de lui serrer la bride. Qui veut aller loin? On réduit pour la nuit et on enlèvera encore de la toile dans la nuit. L'alizé, ici, est un peu plus fort qu'ailleurs dans le bassin carabéen. La mer est formée. Elle est belle. Elle impose des mouvements pas toujours confortables à notre monture. Michel n'aime pas, plutôt son corps d'ailleurs. Le tableau arrière sera pour lui un compagnon soulageant?

L'alizé se calme au fur et à mesure que l'on gagne dans le nord. La navigation devient plus agréable. On lit beaucoup car le cockpit est encore un peu trop humide pour accueillir une disfrutation dans les règles. Cela ne nous empêche pas d'admirer la magnifique ciel étoilé, le train de la houle, cet horizon sans fin. Après la deuxième nuit, l'alizé est suffisamment calme pour que toute la toile soit à poste. Notre progression est bonne et on devra certainement ralentir pour ne pas arriver de nuit. Nos quarts se passe à présent dehors, au soleil, à l'air pur. On boit tout ce qui nous est donné. Qu'est-ce que c'est bon !

Rayon vert au coucher de soleil. L'alizé toujours plus calme. Je passe mes deux quart nocturne allongé à regarder les étoiles, à laisser mon esprit gambader dans son champ d'imagination.

Vers 5 heures du matin, un souffle me sort de mes rêves. Ce n'est pas Michel. Un dauphin plutôt. Je me lève, regarde par-dessus le plat bord. Ils sont trois ou quatre. Ils jouent avec les coques. Le peu de plancton éclaire leur sillage. Je pars vers l'avant m'allonger dans le trampoline, cet endroit où je me sens si bien. Ils sont juste en dessous de moi à tournoyer, plonger et quelque fois sauter. Au dessus de moi, Orion brille de tous ses feux. Elle n'est pas belle la vie ? J'apprécie ce moment merveilleux encore un bon bout de temps après le départ de ces compagnons de voyage. Sur le dos, les yeux dans les étoiles. Je sais pourquoi je suis là?

Je commence à m'endormir. La fin de mon quart approche. Je regagne l'arrière pour que Michel ne s'inquiète pas à son réveil. Il va prendre le quart de l'aube. Peut-être le plus beau. La naissance d'une nouvelle journée, d'une nouvelle vie? Je m'endors tout de suite. Je sais qu'il sera le premier à voir l'île à Vache. Je sais ce que représente cette île pour lui. Je veux lui laisser profiter seul de cet instant magique où l'on voit la terre que l'on veut atteindre apparaître sur l'horizon et puis grossir petit à petit. Je le retrouverai d'ailleurs, alors que le soleil avait largement dépassé l'horizon, assis sur le rouf, immobile comme imprégné par l'instant.

La brise est faible. Le soleil encore doux. La mer calme. Devant nous, les trois mornes de l'île se détachent de l'horizon. On devine la végétation, des grandes falaises blanches. Quelques triangles blancs surmontent des « bâtiments pays ». On va se laisser bercer par l'instant et la brise de plus en plus évanescente pendant plusieurs heures. On parle peu. Ce genre d'instant se passe largement de parole. Je sais qu'ici va commencer une nouvelle histoire. Je ne sais pas laquelle mais je sais qu'elle va être grande et intense. Jamais, depuis le début du voyage, les éléments ne se sont autant ligués pour que j'arrive ici. Je suis ému sans savoir vraiment pourquoi.

La brise est totalement tombée. Nous sommes au milieu de quelques pêcheurs qui nous saluent tout étonner d'entendre Michel leur parler créole. On longe une plage trop tentante. Nous ne sommes pas pressé. On jette l'ancre dans l'eau turquoise. On plonge. Quel bonheur ! Depuis notre arrivée sous les tropiques, nous n'avions pas goûté l'eau? Là encore, on boit chaque instant sans se soucier de ce qui nous attend. Avant que le soleil ne se cache totalement, on rejoint ce qui risque d'être le port d'attache de GCV pendant ces prochains mois : Caye Coq en local, Port Morgan pour l'hôtelier installé là depuis deux décennies, un trou à cyclone calme et protégé. On y retrouve Taïga, le voilier d'une famille rencontrée à Curaçao. Nous avons croisé Jean Luc en buvant un jus de mangue au marché de Punda. Il est Ostéopathe. Il veut donné un coup de mains pour l'orphelinat. Sa femme, Magali, est kiné et acupuncteur. Ils ont deux petites filles adorables : Taï et Gaïa.

Je suis tout de suite plongé dans le bain local. Quelques « bois fouillés » (les pirogues locales creusées ? fouillées ? dans un tronc d'arbre) s'approche du bateau. Certains connaissent Michel, dont Doudou et Minga avec qui l'on va parler une paire d'heure. Nous avons le temps de toute façon? Il faut découvrir l'île doucement comme le rythme qui règne ici et qui me plaît. Je me sens bien ici?

A tout à l'heure

 

PS : Pour ceux qui s'inquiète du choc avec la misère ou de l'insécurité, l'ïle à Vache est loin de Port au Prince et de la Cité Soleil?

dimanche, janvier 21, 2007

Un moustique perturbateur

Cela commence par les articulations. Celle des pieds, je crois. Puis ça remonte jusqu'aux genoux et les membres supérieurs s'en mêlent. Les mains qui s'ankylosent puis les coudes et les épaules. Enfin un léger mal de tête. Rien de bien grave ni pénible. Juste du lancinant. Après une bonne nuit, une bonne journée d'activité, tout disparaît et ne laisse rien derrière lui.

Et puis ça revient, les pieds, les genoux, les mains, les coudes, les hanches, les épaules, la tête, le dos avec un espèce de stress qui se met en place contre ce mal, en l'encourageant finalement. La fièvre monte et ça repart. Un peu de paracétamol ou autres acteurs pour faire baisser la fièvre. Là, on se dit, c'est bon.

Quelques jours, et puis, les pieds, les genoux, les mains, les coudes, les hanches, les épaules, la tête, le dos, le stress, la fièvre qui monte, l'impression de froid de plus en plus forte, l'impuissance face au mal qui envahit, qui empêche de garder la tête froide (sans mauvais jeu de mots?). Quand on a déjà vécu ça , on sait au fond de nous, mais on ne veut pas y croire. Pas déjà. Pas si rapidement. La dernière crise, c'était il n'y a qu'un mois et demi. Alors on va à l'hôpital pour confirmation et la confirmation arrive vite. Cette fois-ci, c'était tranquille, juste 39,8° de température et 24 heures d'hôpital pour voir comment je supporte la Malarone.

C'était samedi matin à l'heure où nous devions prendre la mer. La crise à commencer en rentrant des ultimes courses, et la température est montée toute la nuit. Quand je suis arrivée à l'hôpital, la température redescendait. J'ai faillit écrire le même scénario et attendre une nouvelle crise qui aurait été réellement insupportable.

Le moustique que je disais salvateur pour m'avoir laissé un peu de temps tranquille avant de me lancer dans le grand bain des retrouvailles, s'est rappelé à moi. Je crois qu'il est toujours salvateur. Le premier coup, c'était pour me pauser. Là aussi je pense. La salle commune où je me suis retrouvé pendant ces 24 heures - où ils n'ont pas l'habitude de voir des blancs vu les regards des autres malades (on choisit avant d'être hospitalisé la catégorie de l'hôtellerie. J'ose espérer que c'est la seule chose que l'on choisit...) - m'a montré combien j'avais de la chance d'être là où je suis depuis tant d'année, m'a montré que plutôt qu'être refermé sur mes petits problèmes, mes douleurs passées, mes projets auxquels on ne croit qu'à moitié, « parce que ce serait trop beau », m'a montré que cette traversée sera peut-être la seule avant plusieurs mois et qu'il fallait la boire comme un sirop rare, m'a montré combien  il fallait être heureux de sa vie à chaque instant sans se dire « oui mais », « attention demain ! ». Oui demain peut-être affreux mais si l'on a bien vécu aujourd'hui, il le sera beaucoup moins. Je crois de plus en plus que la vie est ainsi.

Tout cela juste pour dire que nous ne sommes pas partis samedi parce que j'ai fait une rechute de Paludisme, ou Malaria, que je souhaite que nous partions demain mais, qu'étant toujours sous traitement, je reste prudent sur mon état physique général et donc sur notre départ.

Elle est pas belle la vie ?

A tout à l'heure

samedi, janvier 20, 2007

Un moustique salvateur ?

Il fait nuit. Je suis sur le siège arrière d'un taxi, dans un demi-sommeil. La banlieue et ses panneaux publicitaires défilent par la fenêtre. Mes yeux s'attardent sur le croissant de lune qui lui, reste fixe. Je pense à ce mois et demi passé en France de retrouvailles qui sont allés vite, trop vite certainement. Toutes ces choses qui n'ont pas été dites? Toutes ces choses qui n'ont pas été faites? faute de temps.

A la rencontre de deux de ces longs cordons de bitumes qui sillonnent la région parisienne, les voitures n'avancent plus. Un engorgement. Un trop plein? Trop de voiture, ici à cet instant. Je souris quand je remarque que l'on longe l'énorme parking de l'usine PSA-Citroën d'Aulnay-sous-Bois. Il y a trop de voitures mais on continue à en construire. Pour avoir plus. Pour avoir mieux. Comme si ça permettait d'être plus, d'être mieux?

C'est un peu ce qui ressort de ce séjour ? en dehors des retrouvailles ? dans notre beau pays. Une profusion impressionnante. Une surabondance surabondante. Du trop presque agressif. Partout. Toujours. Et puis, à côté, malgré cette période de fête, des personnes au regard triste, au visage insatisfait, à la moue quotidienne. Une grosse envie (aiguisée par les publicitaires toujours plus ingénieux) d'avoir pour croire que l'on est, pour ne pas penser à être.

Et puis les tentes le long du canal Saint-Martin. Et puis des jouets qui n'amuseront que quelques minutes et retrouveront ceux de l'an dernier dans le placard. Et puis des records de vente de psychotropes. Et puis des divertissements toujours plus riches, toujours plus cher. Et puis les Restos du C?ur, la Banque Alimentaire, qui ne devaient pas durer. Et puis l'avalanche de calories indigestes sur les tables. Et puis des cris toujours aussi alarmistes sur l'avenir de la planète Terre qui nous accueille. Et puis cette course folle vers le toujours plus qui ne fait qu'aggraver l'état présent. Et puis des politiques déconnectés qui ne peuvent trouver de réponses adaptées. Et puis des citoyens qui attendent tout d'eux sans se regarder dans la glace. Et puis? Et puis? Et puis?

Alors bien sûr ce n'est de la faute de personne. C'est toujours l'autre, ou plutôt le système, cet espèce de grand sac responsable de tout et bien pratique parce qu'il n'a pas de responsable. Ou bien c'est la faute de tout le monde même si chacun nous faisons un petit quelque chose dans notre coin. Mais, ça ne doit pas être assez vu l'évolution accélérée vers la catastrophe. Comme disent certains : « pour aujourd'hui, on ne peut plus faire grand-chose, alors essayons au moins de penser à demain, à après? » Pessimiste, alarmiste, défaitiste? Plutôt réaliste et optimiste pour pas que le bilan de nos générations soit si négatif que cela.

Finalement rien de nouveau mais après une récréation de quelques mois, ça saute à la figure, ça gène, ça choque, ça affole. Drôle de monde aux idées cartésiennes mais au fonctionnement absurde et immature...

Heureusement, il y a la famille, les amis, qui m'ont montré qu'il y avait autre chose que cette profusion, que ce qui fait vivre, c'est le c?ur pas le portefeuille, qu'il soit à droite ou à gauche. Des moments fabuleux, toujours trop courts, où l'on montre juste que l'on va à peu près bien là où est chacun, que la route continue parce qu'on le veut, parce qu'on l'a choisit.

Ce fut une course un peu effrénée commencée tranquillement dans un lit d'hôpital (du moins après quelques après mon admission aux urgences). Une halte un peu curieuse qui m'a permis finalement de reprendre contact doucement depuis un endroit protégé. Puis une escale revigorante à la montagne pour respirer un bon coup avant d'attaquer la tournée des grands ducs qui s'est accélérer au fur et à mesure qu'on avançait. C'était génial de passer chez chacun prendre un pot, déjeuner ou dîner, au mieux dormir et passer quelques jours. C'était génial mais épuisant parce que mon organisme n'était plus habitué à toute cette profusion. Mais merci, jamais ça n'a été un déplaisir. Mais, un mois et demi à ce rythme,je n'aurai pas tenu? Dois-je remercier le moustique qui m'a transmis le palu ? Allez savoir?

Je suis bien arrivé à Curaçao mardi dernier. Un petit coup de fièvre histoire marquer le coup, vite guérit grâce à la médecine douce de Michel. qui part avec moi.  J'ai retrouvé un Grand Citron Vert qui s'alanguissait près de son quai. Dès demain samedi, il va regaloper sur la mer pour traverser celle des Caraïbes et se poser en Haïti, sur l'île à Vache exactement, pour quelques mois je crois. Il paraîtrait que c'est un des pays les plus pauvres du monde. De la profusion à la rareté, il n'y a qu'un pas? Non ?

A tout à l'heure

 

PS : Merci à tous ceux qui ont répondu d'une manière ou d'une autre à mon petit mail de début décembre. Je vous tiendrai au courant de ce à quoi tout cela aura servi.

Merci à tous ceux qui m'ont accueilli, toujours avec le sourire, toujours avec envie malgré un quotidien pas toujours facile. J'écrivais au début de ce voyage que les liens ne se défaisaient jamais. Aujourd'hui, j'en suis encore plus sûr.

Merci à celles et ceux que je n'ai pas visité de ne pas m'en vouloir. On va dire que ce sera plus agréable de causer près du barbecue l'été prochain?

Si vous voulez mettre un peu de piquant et d'animation dans cette campagne qui s'annonce plutôt morne, allez signer l'appel pour que ce bon José se présente ( http://www.unisavecbove.org/ ). Il parait qu'il risque de faire campagne depuis sa cellule de prison pour avoir couper quelques pieds de maïs pas très naturels. Au moins il ne dépensera pas trop de carburant pour faire sa campagne?

samedi, janvier 06, 2007

2007