je vais faire un petit tour

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mercredi, avril 25, 2007

Dernier jour...

C'était un dimanche. Des dimanches, il y en a toutes les semaines. Mais celui-ci restera longtemps gravé dans ma mémoire. Le 22/04/07... Je m'étais levé à l'aube. Beaucoup plus tôt que d'habitude. Flora partait aux Cayes par le bateau de 7h. Je ne voulais pas la rater pour lui dire au revoir… Je lui ai dit bonjour mais pour l'au revoir, le temps de faire deux-trois trucs avec les enfants et elle s'était déjà envolée. Je la soupçonne de ne pas aimer les au revoir…

La semaine avait été chargée. Les dernières semaines sont toujours chargées. Nous avons fait la dernière sortie avec Grand Citron Vert sur l'île de Caye à l'Eau, une belle sortie pleine de petit bonheur. On a vu tous les salariés de l'orphelinat pour leur faire des horaires et les recadrer un peu plus afin que les travaux soient fait dans les temps. On a rédigé des définitions de tâches. Avec Michel, nous avons fait le tour de l'orphelinat pour recenser les travaux à réaliser, et ils sont nombreux. J'ai essayé de les chiffrer pour trouver des fonds plus tard. J'ai terminé et aménagé la « Kay Timounes Yo », un espace que pour les enfants où ils pourront jouer et dessiner. J'ai finalisé les parrainages, aux moins ceux que j'ai reçus. Cérèze, l'une des premières handicapées que Flora a recueilli, nous a quitté par un beau matin ensoleillé. La petite de Biad, le porteur d'eau, est partie aussi un autre matin. Raymond est venu me voir en me disant : « Timoune li mourri ». La douleur de Biad et de sa femme étaiet insupportable. Michel a disparu un matin sans prévenir. Cela faisait une semaine qu'il était sur le départ en attente d'un appel pour finaliser une adoption à Port au Prince. Je suis allé plusieurs fois à la citadelle, profiter encore de ce beau spectacle et respirer l'île.

Et puis il y avait les timounes qui savaient bien que je partais bientôt, qui se collaient de plus en plus souvent, qui ne me quittaient presque plus pour certains. Ceux qui ont été parrainé voulaient finir leur lettre ou leur dessin pour leur parrain ou marraine. Agathe qui me demandait que j'aille la coucher dès 7h, avant manger ( !) pour être sûre d'avoir son bisou d'avant dormir. Yveline et Robinson qui me guettait dès leur réveil. Dunol qui venait me réveiller. Claudanise et Ti France, à qui un malfaisant involontaire a fait croire que j'allais les adopter, qui ne comprenait pas pourquoi je ne le faisais pas. Etienne qui me demandait si il fallait commencé à monter les pierres à la citadelle pour ma maison. Tada qui me demandait trois fois par jour de marcher avec moi. Ti Jacques qui me serrait fort, fort.

Puis est venu le dernier soir. Ce jour-là, j'avais essayé d'être encore plus attentif qu'à l'habitude, passer moins de temps à respirer pour moi dans ma chambre. Je me suis assis sur la première marche du grand escalier. Agathe est venu s'asseoir sur mes genoux profitant du bain d'Yveline pour prendre la place enfin libre. Claudanise et Djimsli se sont assis à côté de moi. Ti France devant. Derrière Ti kado et Joanne rigolaient ensemble. Dunol était un peu plus bas. Ils m'ont demandé de les emmener avec moi sur le bateau, en Martinique ou ailleurs, c'était pas grave. Alors je leur ai expliqué que non, que je repartais seul, que je reviendrai certainement un jour, que je ne les oublierai pas. Comment je pourrai… Et puis on est resté là, silencieux sous les étoiles et le croissant de lune. Robinson et Yveline nous ont rejoint et se sont serrés contre moi. Même la cloche pour le dîner ne les a pas fait bouger, alors qu'à l'habitude… J'ai fait le mouvement moi-même avec difficulté. Après le repas, j'ai participé à la prière et leur ai souhaité une dernière fois de faire des beaux rêves.

Le lendemain, ils ont mis du temps à se préparer pour partir à la messe. Il a fallu que je les pousse. Ils voulaient rester un peu avec moi. Ceux qui n'y allaient pas ne me quittaient pas bien que je voulais être au calme pour finir les derniers papiers pour Flora et lui écrire une longue lettre, bilan de mon passage ici. J'ai rangé ma chambre. A la fin de la messe, ils sont tous venus. Nous sommes allé planter le pied mango, que j'avais acheté à Camp Perrin, au fond du jardin en lui demandant de grandir vite pour donner des beaux fruits aux timounes. Puis, on a tous ensemble transférer les quelques jouets, les crayons de couleur et le papier dans la « Kay Timounes Yo » dans un autre étonnant. Une fois tout rassemblé dans leur nouvel endroit, Dunol a commencé a chanter des « merci Patrick » et des « allélua » repris par tous en dansant et en levant les bras au ciel, avec des sourires grands comme ça… Est-ce que je pouvais imaginer plus belle conclusion ? Pour le coup, après avoir tout ranger, je les ai laissé tout déranger pour profiter de leur lieu pleinement pour la première fois. J'ai pris mon repas, seul en l'absence de Flora. Enfin seul… Robinson et Yveline était près de moi, la tête sur mes cuisses… Dunol n'arrêtait pas de passer devant la porte du réfectoire ne faisant des grimaces… Je n'ai pas fait de sieste, contrairement à mon habitude mais je me suis allongé dans un coin à même la terre. Très entourés mais dans le calme. J'ai pris mon sac, suis monté au centre de vie. J'ai dit au revoir à Bellebrune et Lisa qui s'occupaient des handicapés, puis à Stevenson qui faisait une petite pause en haut de l'escalier. Un petit tour aux cuisines faire la bise à Mirta et Yves Rose. J'ai glissé 150 gourdes à Mirta pour qu'elle achète une poule à Dunol en surprise. Et puis j'ai pris le chemin de la sortie. Robinson et Yveline qui n'avait pas vraiment compris que je partais tenaient mon sac très fort, sentant bien que quelque chose de pas normal se passait. Robinson a vite lâché mais Yveline est resté accroché. Nous sommes passés à côté du parc sous le grand manguier. Tada, quand je lui ai fait une grosse bise émue, m'a regardé avec un regard d'incompréhension qui m'a terrifié. Je me suis retrouvé seul avec Yveline qui ne décrochait pas. Elle m'a regardé avec son grand sourire malin en me demandant si on allait au bateau. Je lui ai répondu que j'y allais seul. Elle m'a regardé sans comprendre puis s'est jeté à terre en pleurant très fort. Je n'ai pas eu le courage de la prendre dans mes bras pour la consoler et je suis parti en me retournant une seule fois, les yeux humides…

Je ne sais pas quel chemin j'ai pris mais je me suis perdu. L'orage grondait à l'horizon. Marcher, marcher vite pour ne pas se laisser rattraper par l'orage ou les souvenirs, ou les deux. Les premières gouttes sont tombées doucement, bientôt transformées en un grand déluge. Je me suis abrité dans une maison inhabité le temps que ça passe. Je suis resté là longtemps à regarder la pluie en laissant glissées les idées dans ma tête.

Je ne vous oublierai pas timounes yo…

A tout à l'heure

1 Comments:

  • Cela faisait longtemps que je n'étais pas passée par ton blog, sans doute pour ne pas avoir à faire face aux promesses non tenues d'aider ou de revenir, au minimum de donner des nouvelles...pour de multiples raisons qui sont toujours mauvaises. Ton départ de l'orphelinat réveille en moi diverses émotions et me crampe l'estomac, à moins que ce soit ces cafés sans fin du rythme citadin...Pas grand chose à dire. Bravo pour ce que tu as eu le courage et la volonté de faire, bravo pour ce que tu es, bravo de m'avoir redonner des envies autres que nombrilistes. Bravo et merci. En souvenir d'une belle rencontre, courte, mais plus riche que beaucoup de choses qui existent sur cette terre. Merci pour cet article qui m'a fait redevenir un peu moi-même.
    Morgane, ancienne équipière de Timshel.Rencontre de février 2007 sur l'île à Vache.

    By Anonymous Anonyme, at 14:10  

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