je vais faire un petit tour

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jeudi, mars 29, 2007

Contraste, vous avez dit contraste ?

C'était un dimanche. Le soir. Après la tombée de la nuit. J'étais sur le bateau d'à côté. Un First arrivé là deux semaines auparavant mais dont j'ai découvert les propriétaires seulement deux jours plus tôt. Un couple franco-brésilien. Renaud et Isabelle habite Port-au-Prince. Isabelle travaille à l'Ambassade du Brésil. Renaud l'a suit de poste en poste un peu partout dans la monde, et depuis peu, avec son bateau qu'il vient d'amener de Lisbonne par la mer. Ce deuxième apéritif à bord de Palatino permet de faire mieux connaissance. Surtout, Renaud me fait une proposition que je ne peux refuser. Il me demande de l'accompagner dans son convoyage vers Port-au-Prince le week end suivant. Une belle opportunité. Naviguer va m'aérer les neurones et les mettre en vacances de la vie à l'orphelinat. Voyager va me permettre de découvrir le vrai Haïti bien loin de l'île à Vache, même si les grandes lignes sont évidemment communes.

Nous partons donc à l'aube, le samedi suivant. Je n'ai pu me connecter sur internet pour envoyer mes textes hebdomadaires. Il devait en être ainsi. Aération complète des neurones… Première étape prévue : Port Salut, juste derrière la Pointe à Gravots à une quinzaine de milles. Une petite ville bordée d'une longue langue de sable blanc et de cocotiers. Nous faisons une approche prudente devant le peu de fond puis un pi stop baignade autour du bateau encore sous grand-voile et sans ancre. La route est encore longue et nous la reprenons en pointant l'étrave vers le cap Tiburon, extrême ouest du pays, à 80 milles de la Jamaïque.

Discussions sur moult sujets ( la veille, Renaud m'avait fait un brillant exposé sur les situations au Brésil et en Haïti), lecture, manœuvres car le temps est changeant ou rêverie en regardant le paysage peuplée encore de gros pieds mangos (la déforestation ne serait-elle pas aussi importante qu'on le laisse croire ?). La nuit approche vite accompagné d'un superbe grain qui nettoie efficacement le bateau mais nous prive du coucher de soleil. On ne s'arrête pas pour la nuit. La côte sud n'est parait-il pas très sûre du fait des trafic de drogue venant de Jamaïque. Pas de témoins est le maître mots de ces commerçants illicites… Pourtant, à l'île à Vache, les chaloupes jamaïcaines arrive en plein jour et débarque la marchandise sous les yeux de tout le monde. Marijuana et cocaïne rejoigne le marché américain via la Grande Terre saint Domingue ou l'île de la Tortue au nord.

Avec la nuit et la pluie, le vent soutenu nous oblige à tirer des bords. J'avais oublié comment un voilier pouvait gîter quand il n'avait qu'une seule coque… Le petit matin nous voit loin de Jérémi que, pourtant, nous voulions apercevoir. On met le cap alors sur Pestel, petit village multicolore accroché aux pentes des montagnes au fin fond d'une baie protégée par une île et des barrières de corail. Nous croisons quelques pêcheurs, deux villages mais n'apercevons que de très loin les petites taches de couleurs. Sans carte précise et avec sagesse, Renaud ne veut s'aventurer plus loin. Nous pointons l'étrave vers la pointe orientale de l'île de la Gonave qui ferme la baie de Port-au-Prince. Le vent est faible. La navigation tranquille. Mais la pluie tropicale est plus que jamais là. Elle ne nous quittera qu'en deuxième moitié de nuit. A l'intérieur, je finis mon roman puis me plonge dans quelques magazines nautiques que je n'avais feuilleté depuis fort longtemps. Impressions bizarres d'un passé lointain…

Au milieu de la nuit, nous mouillons sur des haut fonds à un gros mille de Gonave, en plein milieu de l'eau. Nous plongeons avec ravissement dans les bras de Morphée bercés par un léger clapotis. Quelques heures plus tard, l'aube me tire de ma couchette. Je suis seul sur le pont. Le soleil levant se trouve une place entre les gros nuages pour colorer le décor. La mer est d'huile. Quelques pêcheurs essayent tant bien que mal d'avancer à la voile, d'autres ont choisis les avirons. Décidément, j'aime ces instants où l'on se réveille tranquillement face à ce spectacle merveilleux et magique. En regardant, je déguste mon chadec juteux. Renaud sort bientôt de sa cabine. Petit café. On relève l'ancre et on met le cap vers une marina dont on ne connaît qu'approximativement la position. Un coup de téléphone à un ami (savez-vous que malgré la situation du pays, il est une activité économique qui fonctionne à merveille ? La téléphonie mobile. Les antennes fleurissent partout et comme chez nous les opérateurs savent rendre indispensable cet outil avec des prix vraiment mini. On mange mal mais on se téléphone…) nous déroute de notre but. L'endroit est à l'abandon et plus très sûr. L'ami en question nous conseille d'appeler une connaissance à lui qui a un mouillage devant chez lui. Au bout de quelques heures de moteur, nous arrivons devant la maison sans prétention de Hervé. Le bateau est amarré à un gros corps mort, en sécurité. Les présentations se font devant une bière. Hervé est franco-québécois. Il est arrivé en Haïti il y a 21 ans. Aujourd'hui, il s'occupe d'une entreprise de gardiennage qui travaille dans tout le pays. Personnage sympathique, loin des préjugés que l'on pourrait avoir du responsable d'une telle entreprise, il retape un voilier en acier de quinze mètres sur ber juste devant chez lui. Dans quelques semaines la mise à l'eau…

Après le repas, on a rejoint la capitale à une heure en voiture. La route longe la cote qui suit les reliefs désertifiés totalement. Dire qu'ici c'était il y a des dizaines d'année de la forêt tropicale. Il n'y a plus rien, que la terre rouge orangé et de la caillasse. Après l'abatage des arbres, le soleil et la pluie on fait leur travail. Tout est sec et raviné. C'est très impressionnant. Les villages que l'on traverse se ressemble : kays en béton et toit de tôle, poubelles au bord des rues, marché permanent sur les trottoirs. De temps en temps, on voit des blindés et des soldats de l'ONU, venu pacifier le pays.

On rentre dans Port au Prince. Des bouchons, un grouillement de la population partout, les petits commerces tout le long des rues. L'économie se passe ici, dans la rue. Rien n'est officiel. On ne s'attarde pas. Renaud et moi sommes fatigués et l'on prend la route des hauteurs. Comme dans de nombreuses villes, les quartiers aisés sont sur les hauteurs. Pétionville est la banlieue chic de Port au Prince. Ici, les grandes villas avec piscine dominent. Elles sont quelquefois surveillées par des gardiens en armes. C'est ici aussi que prône au sommet du morne l'hôtel de luxe qui accueille les cadres des missions de l'ONU ou les acteurs des ONG. On croise de partout les gros 4X4 de l'ONU, de Médecin du Monde ou de la Croix Rouge. Malgré tout, les bidonvilles gagnent. Les pentes trop abruptes pour y installer les belles maisons sont de plus en plus colonisées par les pauvres, un peu comme à Rio sauf qu'ici les maisons sont en parpaing et tôle et pas en bois…

La maison d'Isabelle et Renaud n'est pas la moins agréable : grand jardin arboré, piscine, vastes pièces aérées. Nous sommes dans un autre monde… Le soir, nous irons dîné dans un des restaurants en vue de Pétionville, avec Ronald un collègue d'Isabelle qui me sidère par sa connaissance de l'histoire européenne. Les autres clients viennent de l'ONU et d'ONG. Les plats libanais sont délicieux, la pina colada aussi. Ça me change du réfectoire de l'orphelinat…

Une longue nuit réparatrice clôturée par mon chi kong dans le jardin et une petite conversation avec un vieil arbre. Le plein d'énergie. D'ici, on domine tout Port au Prince et la baie. On pourrait presque voir le bateau s'il n'y avait cette brume. Petit déjeuner en terrasse puis nous partons pour la visite de Port au Prince. D'abord, Renaud va s'inquiéter de la santé de la cuisinière de la maison. On pénètre dans un de ces quartier populaire qui ont été construit il y a moins de deux ans sur les coteaux non stabilisés de Pétionville. Le support de construction y est un mélange de détritus et de terre. Je n'ose imaginer ce que toutes ces habitations relativement confortables deviendront au prochain passage de cyclone ou de gros front pluvieux. Une belle catastrophe en perspective.

Descente en ville. La cohue désorganisée est partout. On croit retrouver les traces de fastes passés sur les façades de maison. Il y a des poubelles partout dans les rues malgré un service de nettoyage remit en place par l'ONU. Il y a des hommes en arme un peu partout. Il y a quelques mois, certains quartiers étaient impénétrables. Le Champ de Mars, le monument non terminé du bicentenaire de l'indépendance, le palais présidentiel, les ministères côtoient la misère en quelques mètres. C'est vraiment marquant. On s'arrête à la cathédrale où des peintres naïfs se sont occupés de la décoration. Des scènes bibliques, comme à la chapelle Sixtine, tapissent les murs mais à la manière naïve. J'ai adoré, surtout les apôtres noirs… Petit tour sur le port où face aux quelques cargos qui viennent encore ici, s'étend un immense marché où tout ce qui descend des bateaux se vend. L'odeur est impressionnante et repoussante. Les amas de poubelles aussi. Mais la vie est là. Toujours dans la rue. Toutes les activités s'y rejoignent : petits commerces, ébénisterie, vente de pneu ou autre, garage pour véhicules… Rien n'est officiel. Tout est sous terrain. L'économie d'Haïti n'existe pas parce qu'elle n'est pas connue et recensée. Nous allons manger dans le restaurant mythique de Port au Prince, l'hôtel Olofsson, lieu d'action d'un roman de Graham Greene qui s'y installait souvent. C'est un haut lieu de la culture vaudou aussi… Le tout Port au Prince s'y côtoie. En tout cas, le punch y est fort bien dosé. Cela fait déjà quelques mois que je n'avais consommé autant d'alcool… L'après midi est dédiée aux hauteurs pour terminer par la visite à un couple d'antiquaires belges fort sympathique installés là depuis 25 ans. Leur maison relativement modeste est souvent le lieu de rendez-vous de nombre de francophone de Pétionville. La journée se termine à la maison par un dîné tranquille. J'avoue que mon passage en Haïti aurait été frustré sans ce passage à Port au Prince.

Le lendemain à l'aube, Denis le chauffeur m'emmène prendre mon bus pour Les Cayes près du port. J'embarque. Le chauffeur attend que le bus soit plein comme dans beaucoup d'autre pays. Nous longeons quelques bidonvilles. Les lits des rivières sont jonchés de toute sorte de détritus qui vont se déverser dans la mer à quelques centaines de mètres. Régulièrement les courts d'eau sont curetés pour éviter trop d'inondation. La route longe la mer avec les mêmes décors pendant des kilomètres. Puis vient la campagne, les arbres, les cultures et quelques bourgs.

Dans le bus il fait chaud, très chaud. C'est aussi très inconfortable mais l'on s'y fait. Nous sommes tous serrés sur les banquettes. La route est truffée de nids de poule. Le chauffeur fait du slalom. Nous grimpons bientôt. La mer disparaît. Les mornes sont de nouveau boisés. Les champs bien cultivés. On croise quelques rizières, des bananeraies. C'est rassérénant. Je m'endors quelque peu. La route est encore longue et les heures de sommeil ont été réduites. Nous retrouvons la mer après le passage d'un petit col. La Caraïbe. Celle de l'île à Vache. On descend vers la côte puis nous remontons pour atteindre enfin Les Cayes. J'ai plaisirs à retrouver la ville. Moto taxi. Débarcadère. Il me paraît presque propre après Port au Prince… Embarquement. L'île à Vache n'est plus qu'à une heure. J'ai grand plaisir à retrouver sa douceur…

A tout à l'heure

 

PS je n'ai aucune photo de Port au Prince ni du convoyage. Désolé…

IL n'est pas trop tard pour parrainer un enfant de l'île à Vache ou financer la reconstruction du mur d'enceinte… Bien au contraire. Pour les peureux, le compte sur lequel se font les virements est au nom de Sœur Flora et les fonds sont ensuite viré régulièrement sur son compte à la Sogébank ici en Haïti.C'est donc du direct. De même, l'association l'Ile aux enfants d'Haïti créée par Anthony, le premier pensionnaire de Flora, et Céline, sa femme, peut être le support de vos dons. Merci encore aux quelques qui ont parrainer et à ceux qui ont financer les 12 premier % du mur…

2 Comments:

  • Hello Pat

    je commence par la fin ...mais vais vite retourner lire tes chroniques précédentes ! et ensuite je te ferai un + ample coucou ! bon courage à toi " aventureur"
    Amicalement
    Isabelle FOURMOND
    Marraine de Lila, Alfortville

    By Anonymous Anonyme, at 17:03  

  • Merci de vous joindre le linkup hebdomadaire!

    By Anonymous Manrobe, at 04:00  

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