Le marché des Cayes
C'était un mardi. Nous allions, avec Magali, aux Cayes accompagnés de Vilna alliée sûre pour acheter le ravitaillement de Taïga au bon prix sur le marché. Une heure en bâtiment pays, grande pirogue propulsée par un moteur de 15 ou 20 ch remplie de nombre de passagers, pour traversée le canal entre l'île et la grande terre. C'est un peu long surtout pour les fessiers et les articulations tant on est serré et immobilisé. Les hauteurs de la grande terre approche doucement comme les maisons de la ville. A gauche, on aperçoit le wharf qui permet aux petits cargos d'accoster avec devant le débarcadère à charbon, une des grandes productions de l'île à Vache, qui consomme sur place beaucoup trop de bois, et puis devant nous le débarcadère aux fruits. Enfin débarcadère est un bien grand mot. Le débarquement se fait en deux temps. Le bâtiment pays jette l'ancre à une vingtaine de mètres du rivage, puis une barque plus petite propulsée par une pigouille embarque les passagers jusqu'au rivage, un tas d'immondices de toutes sortes attenant à nombres de lattrines reliées directement à la mer. On prend bien soin de ne pas mettre les pieds dans l'eau, quand on peut… Tout le trafic entre les Cayes et l'île à vache se passe ici.
L'ambiance n'est pas la même que sur l'île. Les rues, organisées autour de pâtés de maisons carrés comme dans nombre de « pays jeunes », sont le royaume des vélos, motos-taxis et voitures, souvent de gros 4X4. Le piéton n'a pas la priorité et doit s'écarter… Les trottoirs sont la plupart du temps sous des arches souvent encombrées. Pas de revêtement, de la terre avec de gros caillou. La grande place accueille le grand centre diocésain et la cathédrale rutilante qui jure au milieu des bâtiments décrépis. Après être passé à l'immigration où je fais enfin l'entrée officielle du bateau et de ses deux occupants, nous nous dirigeons vers le fond de la ville, éloigné de la mer. Un premier « hall » sombre où sont réunis dans un bric à brac des vendeurs de toutes sortes. Nous ne nous arrêtons pas et sortons pour rejoindre un endroit plus accueillant, tout aussi anarchique dans son organisation mais en plein air. Les nombreuses vendeuses sont différemment achalandées, de quelques tas d'oignon ou d'ail à, c'est plus rare, un choix relativement important de fruits (Chadek, papayes, petit mango) et de légumes (tomates, bananes plantains, manioc, pomme de terre, fèves, patates douces, avocats, …). Les achats sont réalisés et nous sortons de l'endroit avec trois gros sacs de victuailles en tout genre. La petite famille de Taïga part ensuite dans les jardins de la Reine à Cuba qui sont pratiquement désert.
Magali, pour remercier Vilna de son aide précieuse, lui propose un petit cadeau à son choix. L'hésitation n'est pas longue. Un gros sac de riz de 25 kg à 12 euros fera l'affaire. Cela représente un mois de base de nourriture pour la famille. Les priorités sont claires. Quand j'emmènerai Jakson, mon marin préféré chez le dentiste, une semaine plus tard, il fera le même choix. Il m'expliquera d'ailleurs que c'est l'occasion pour lui de prendre du riz pays (qui pousse en Haïti) bien meilleur et plus nourrissant que le riz voire la brisure de riz importé depuis les Etats-Unis, beaucoup moins cher mais sans aucune valeur nutritive… Ce sont les Etasuniens qui ont introduit le riz en Haïti comme ayant de grande qualité nutritive peut être pour mieux exporter le leur de second voire troisième choix qu'il n'arrive pas à écouler ailleurs…
Sœur Flora m'expliquera la même chose en ce qui concerne la nourriture gratuite qu'elle touche pour l'orphelinat et l'école d'une ONG américaine. Elle est composée de brisure de riz, de farine de paille de blé, produit avec une débâcle d'insecticides de toutes sortes, et d'huile des surproductions OGM. Aucune valeur nutritive, peut-être même des effets néfaste, dans tout cela, juste la qualité de remplir des estomacs… Après on s'étonne de la malnutrition dans le pays…
Autre défaut des importations de cette sorte : leur volume est tellement important qu'il casse totalement les prix du marché, ne laissant que peu de place aux productions locales qui du fait d'un marché forcément moindre augmente de prix et devient encore moins accessible à la majorité, à qui l'on donne encore plus entraînant de ce fait un engrenage dans l'inflation des produits frais et vivriers et vers une dépendance encore plus grande du pays. Mais ces mécanismes sont bien connus des pays qui ont les Etats-Unis, ou l'Europe à moindre échelle, comme partenaires pour parait-il sortir de la misère.
De plus, cette aide, parait-il salutaire et qui nous donne bonne conscience, a un défaut secondaire, qui me parait primordial, celui de la dépendance et de l'assistanat. Quand on vous donne les choses gratuitement, pourquoi s'embêter et suer sous le soleil pour produire sa pitance ? C'est une réaction bien humaine et le drame de ce pays. Mais ceci est une autre histoire beaucoup plus compliqué, n'est-ce pas ?
A tout à l'heure
1 Comments:
La vie elle même est très compliquée dans la mesure où chaque être humain semble détenir la vérité!
By Anonyme, at 09:59
Enregistrer un commentaire
<< Home