Ça commence tôt le matin. Vers 5h30-6h00 avec le lever du soleil. Après un solide petit déjeuner, je me dirige vers le port. Oui, un port à 3700 mètres d'altitude. Les rues de Puno sont déjà bien réveillées. Sur le marché, les femmes, enroulées dans leur châle, attendent les acheteurs de leurs fruits ou légumes. Le môle apparaît au bout d'une large avenue presque vide. Là-bas, c'est agité. Tous les bateaux des agences de voyages s'apprêtent à appareiller pour les îles. Quatre îles en une journée, il ne faut pas chômer... Je repousse toutes les propositions des crieurs. Je n'ai pas de billet. Je ne connais pas le nom du bateau que je vais prendre, mais je sais qu'il est au bout du môle. C'est le collectivo communautaire de l'île de Taquile. Je vais passer quelques jours là-bas, histoire de respirer l'air pur du lac Titicaca.
Sur le bateau, il n'y avait que des habitants de l'île et un couple d'Italiens. On s'est engagé bien après les autres bateaux sur le lac. Le programme est moins chargé. Il y a juste un petit arrêt sur les îles Uros pour embarquer des poissons que les Uros échanges contre des légumes aux habitants de Taquile. Après être sortis de la baie de Puno, on entre dans un champ de roseau par un petit canal et les îles apparaissent. Cela fait comme une clairière. Plusieurs îles de balsa se font face depuis des siècles, vivent à part du monde au rythme du lac. Depuis peu, le tourisme est venu déranger cette tranquillité. Ce qui est différend repousse ou attire, voire les deux. Ici, ça attire beaucoup (trop ?) mais je suis persuadé aussi qu'au fond ça repousse. Reste que chaque bateau débarque sa cargaison sur une île. Les femmes attendent avec des produits artisanaux dont la plupart ne sont pas fabriqués sur l'île les quelques Soles qui mettront du beurre dans le papas. Les touristes jouent leur rôles complètement, n'hésitant pas à prendre des photos des Uros l'objectif à quelques centimètres des visages. Je m'éloigne de tout ça qui me rend mal à l'aise. Derrière les cabanes en jonc, des maisons en préfabriqué doivent loger les familles. Ils vivent aussi au XIXe siècle. Une petite gamine vient me proposer d'acheter ses dessins coloriés. Je les regarde. Une seconde vient avec les mêmes dessins certainement réalisés au Bic par un adulte et colorié par le même adulte... Je ne sais plus quoi penser. En restant vivre sur leurs îles, ils préservent leur culture. En prenant l'argent où il est, ils se préservent bien que la méthode est loin de leur philosophie ancestrale... Je ne sais que penser.
Le bateau repart et mon regard se plonge à l'horizon du plus haut lac navigable du monde. Une petite sieste et ces idées un peu sombre sont bien loin. Surtout qu'au réveil je me retrouve au pied d'une falaise corse... Je met quelques minutes avant de retrouver complètement mes esprits. "Tu es sur le Titicaca, coco..." "Pourtant..." "Pourtant, mais c'est pas. ici, c'est le Pérou, Amérique du sud." Vous regarderez sur les photos, c'est étonnant.
L'île apparaît enfin au loin. Haute, allongée, verte, avec des traces de terrassement sur ses flancs. Le ciel est bleu et pur. Le soleil réchauffe. C'est bon d'être là. Je parle un peu avec le propriétaire du bateau. Sur l'île on vit des cultures du maïs, des papas, du oca (sorte de grosses carottes noires), de la pêche notamment des truites et évidemment du tourisme. Chaque jour des centaines de personnes débarquent sur l'île vers 11 heures, déjeune au restaurant communautaire, font un petit tour dans le village et rentre au port pour repartir vers Puno vers 14 heures. Le tourisme est totalement dominé par les habitants. Du moins sur place. Pas l'industrie qui les amène sauf par le collectivo que j'ai emprunté. Sur place, chaque touriste paye 2 Soles (0,75 euros) de taxe de passage, déjeune pour la majorité au restaurant communautaire et achète des souvenirs à la boutique communautaire. Tous les bénéfices des quatre activités sont reversés également à chaque cellule de la communauté. Chacun doit du temps au restaurant, à l'artisanat et à la culture. Le temps restant, il le consacre à sa propre vie et à ses activités. Ainsi, Augustina, chez j'ai dormi, passe du temps au restaurant et sinon tient un kiosco (vente de boissons, de gâteau, etc.). L'activité de logement chez l'habitant rentre aussi dans le système de la communauté. Autant vous dire que cette forme d'organisation m'a bien plu. Il règne ici une ambiance de sérénité qui n'en est pas étrangère. Il n'y a pas de concurrence, pas de compétition. Et si il y a près de 20 fiestas différentes dans l'année, ce n'est pas pour rien.
Cela fait des siècles que ça dure. Taquile et sa voisine Amantani ont été habité par la civilisation Tiwanaku et étonnement ont été sauvegardé des invasions Incas et Espagnoles. Seule une prison est venu perturbé l'île entre 1950 et 1970. Les Taquileños sont jaloux de leur culture très différentes de celle du "continent", fier d'être ce qu'ils sont et se foutent complètement du progrès... Ils n'ont même pas un âne pour monter les paquets du port au village. Pourtant je peux vous dire que malgré leur condition physique, c'est aussi dur pour eux que pour nous (OK ils portent plus...). Le chemin est raide et en escalier. Quand on arrive au sommet, c'est un vrai soulagement...
Je me suis baladé partout dans l'île pendant les trois jours que j'y suis resté. Il y a des ruines Tiwanaku un peu partout particulièrement sur les sommets. Les chemins en pierre sont à flanc de collines et dominent le lac et les criques. Les seuls arbres de l'île, les Eucalyptus, emplissent de leur odeur saine l'environnement. A l'extrémité sud de l'île, loin du village et de toutes habitations, il y a une petite presqu'île avec une plage de sable blanc. J'ai l'impression de rêver. Je n'imaginais pas le Lac Titicaca mais il est encore différent... Je m'y suis baigné. Je me suis allongé sur le sable. Ma peau a pris l'énergie solaire. Qu'est-ce que c'est bon... Ça faisait longtemps.
Au retour,plus je m'approchais du village, plus les trompettes et les grosses caisses se faisaient entendre. Le soir de mon arrivée, ils ont débarqué en masse, les musiciens. D'Amantani, de Puno et même de l'autre côté du lac en Bolivie. Les danseurs et les danseuses sont seulement des deux îles. Jusqu'au week end, ça va être la fête. Toute la journée, de huit heures le matin à dix heures le soir. Sans s'arrêter. Chaque groupe chacun son tour, voire ensemble dans une cacophonie qui ne dérange personne. La bière est présente mais pas trop. Il n'y a pas de viande saoule. C'est juste pour se griser. Les habits des danseurs sont superbes et plein de couleurs. Les sourires sont sur tous les visages (mais ça je crois que c'est tout le temps...). On est heureux de danser, d'être ensemble ici sur cette île en dehors du monde.
Encore un endroit dont on ne revient pas sans traces. J'ai partagé un soupçon de la vie de Taquile pendant trois jours. J'ai joué et dessiné avec les mômes. J'ai bu la munia (tisane d'une plante de l'île) jusqu'à plus soif. Je me suis habitué à prendre mon temps sur les chemins pentus car ici aussi l'oxygène manque, à parler de tout et de rien juste pour reprendre sa respiration et faire un pause. J'ai mangé des truites après la soupe à la quinua. Elle est pas saine la vie ? Elle est pas simple la vie ? Elle est pas belle la vie dans ce petit coin des Andes ?
Arrivé à Puno, hier soir, dans le foule sur les trottoir, je me suis demandé si je n'avais pas rêvé. J'ai vu les photo. Non, ce n'était pas un rêve. C'était trois jours dans ma vie...
A tout à l'heure
1 Comments:
on est ravi que cette petite ile si sympathique t'ai autant plu qu'à nous. bonne route.
claire et renaud
By Anonyme, at 23:03
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