Le propre du désert est de ne montrer aucune végétation, de ne laissé aucune chance à la vie telle qu'on l'entend habituellement, de laisser les minéraux, le soleil et les vents, maîtres du lieu. Et ils y arrivent parfaitement bien. Se laissant sculpter. Assechant. Sculptant. Cela donne des paysages plus hallucinants les uns que les autres.
San Pedro de Atacama est un petit village du nord du Chili, aux confins des frontières avec l'Àrgentine et la Bolivie, qui ne doit son existence qu'aux paysages fabuleux qui l'entourent. Il est niché dans une petite oasis au coeur d'un des désert les plus secs au monde, dominé au loin par des volcans et montagnes dépassant allégrement les 5000 mètres et quelques fois les 6000. La rue principale du village est une alternance d'agences de voyage, de restaurants et de marchands de souvenir. Ce n'est pas encore le Mont Saint Michel, mais le chemin est pris... Je n'avais jamais rencontré autant de Français depuis le début de mon périple (période Mini Transat excepté évidemment...) Impossible de faire abstraction comme dans d'autres lieux. Ici, tout se passe avec guides, camionnettes et tours organisés pour bien tout voir. Grâce aux conseils avisés de Cécile et Fred rencontrés à Jujuy après le concert du Manu, on s'est adressé à une agence qui laisse le temps d'apprécier chaque lieu dans le silence après quelques indispensables explications.
Premier jour. Programme Vallée de la Mort et Vallée de la Lune (encore une, il y en a aussi en Bolivie...). Rien á voir avec celle de l'Argentine. Si comme plus au sud, la mer était présente il y a quelques millions d'années, ici, elle a laissé son sel dans les sédiments. Celui-ci remonte par capillarité à la surface offrant des champs entiers de roches aux formes improbables aux couleurs rouges, ocres, grises ou vertes recouvertes de blanc immaculé aux allures neigeuses. Dans la vallée de la Lune elle même, on se croirait dans des alpages au moment des premières neiges... La végétation se limite à quelques rares lickens. Ici le minéral est roi. Un peu plus loin la vallée de la mort est encore plus désolé entre formes rocailleuses hallucinantes et répétitives, dunes noires énormes et sculptures surréalistes. Coucher de soleil depuis un sommet de la vallée. Nous choisissons de rester à l'écart des autres groupes avec Jacques, un Toulousain, ancien bibliothécaire spécialisé sur l'Amérique Latine lui aussi en rupture de bans et qui aime voyager très tranquillement... Nous aurons pendant trois jours de très riches conversations ensembles. Ça fait du bien. A mon retour, si il y a retour (...), je passerai le voir lors de mes séjour Toulousain.
Départ à 4 heures du mat' le lendemain. On prend de l'altitude. Beaucoup d'altitude. Après trois heures de voiture, on arrive au coeur d'un cratère á 4320 mètres d'altitude. Il fait nuit. L'aube pointe à peine. Le froid nous saisit. Je ne sais pas exactement la température mais elle doit être autour de 0. Mes fringues sont au nettoyage et je suis en bermuda. Heureusement j'ai mon bonnet Mapuche sur la tête. On ne voit autour de nous que des fumerolles de vapeur. Les geysers nous entourent. Bruit d'ébullition permanente. Odeur de souffre. Quelques fois un gargouillement plus fort avec des jets á plus d'un mètre. Le jour commence à poindre sérieusement et laisse apparaître le décor. Nous sommes entourés de montagne dont certaines ont le sommet enneigé, notamment le volcan Licancabur qui culmine à 5960 mètres. Le sol est comme un gruyère aux trous jaillissant d'eau bouillante. Sur quelques formations rocheuses, des lickens et des touffes herbes rudes sont recouverts de givres. Cela faisait bien longtemps que je n'en avais pas vu. Cela ajoute à la magie du lieu. Devant le spectacle, même les plus bavards se taisent. C'est inimaginable. La matinée se termine par un petit bain dans une piscine presque naturelle avec de l'eau á 30-40º. La sortie est plus que tonique...
Bouffe d'à tout à l'heure dans un resto tenu par un Français (ici, 70% des touristes sont Français...) avec Jacques et Michel. Demain, c'est le grand départ. L'ami toulousain reste au Chili. Nous, nous partons vers la Bolivie pour trois jours sur les hauteurs dans un 4X4, seul moyen de transport possible dans les lieux où nous allons. Je sais, j'ai suffisamment gueulé contre ces engins polluants et dangereux... mais en ville. L'Altiplano Bolivien n'est pas les Champs Elysée.
On rentre en Bolivie vers 10h du matin par un poste frontière au bout d'un chemin de terre avec le Licancabur en toile de fond. Trois maisons. Quatre douaniers. Le drapeau bolivien aux couleurs africaines (Vert, Jaune, Rouge)... Petite collation. Nous sommes déjà à plus de 4000 mètres. Nous ne descendront pas en dessous avant trois jours. La respiration se fait plus difficile. On marche plus lentement. Le moindre effort se fait sentir avec la respiration qui accelère rapidement. La petite partie de foot n'est pas au programme...
A partir de là, les deux yeux ne seront pas assez nombreux pour tout voir et tout enregistrer : la laguna Verde, d'un vert pur obtenu par la présence d'oxyde de cuivre et d'arsenic, les geysers Sol de Mañana, moins nombreux mais plus puissants et plus chauds que ceux de la veille. Le souffre y est encore plus présent maintenant une ambiance presque irrespirable. L'eau est à plus de 250º à la sortie du trou. Surtout, le souffre à colorer tout le sol de couleurs jaunes, oranges, rouges ou vertes. On est ici en rapport direct avec le centre de la terre. On ressent très profondément cette énergie. Je suis resté longtemps sur un rocher à m'en imprégner. Nous traversons des paysages monumentaux aux milieu de hautes montagnes. Silence dans la voiture. Les yeux sont grands ouverts. On arrive au refuge, à 4300 mètres, en milieu d'après midi pour déposer les sacs et déjeuner. On repart juste après vers la Laguna Colorada, à quelques kilomètres. Valerio, notre guide, fait tout pour que l'on soit en décalage avec les autres voitures qui font le même parcours (le soir, au refuge, j'en ai compté une bonne quinzaine...). La Laguna Colorada offre des roses, des verts et des bleus. C'est le royaume des Flamands Roses. Ils sont plusieurs milliers ici. Valerio nous laisse profiter du spectacle jusqu'à ce que le soleil disparaisse derrière les montagnes. Nous sommes chacun dans notre bulle à se laisser imprégner... On y est retourné juste après le lever du soleil le lendemain. Autres couleurs, autres impressions. C'est magique.
On traversera durant la deuxième journée de nombreux paysages différents, désertiques (là haut, rien ne pousse) et tous aussi hallucinants : grandes étendues de sable d'où sortent des rochers aux formes surréalistes que ne renieraient pas Dali (Ne serait-il pas passer par là ?), montagnes colorées, champs de caillasses à n'en plus finir, lacs colorés, champs de lave d'où la vie renaît à peine. Et puis on est descendu un peu, vers l'Altiplano proprement dit, une grand plaine plate à 3700 mètres entouré de montagne. On traverse un premier salar en longeant la voie ferrée qui mène au Chili. Le train hebdomadaire nous croise et prend le même chemin que nous. Des wagons de marchandises (c'est une des seules voies pour emmener les minerais bolivien vers un port...) et un wagons passager tout à l'arrière. Sur les bord du salar, on découvre les premiers champs de quinua, céréale du lieu qui fait le succès des rayon de commerce équitable des Hypermarché français. C'est une très belle plante jaune, rouge ou blanche. Les culture que l'on croise ne sont que vivrières. C'est la récolte, tout le village s'y met.
Nous arrivons pour la nuit dans un hôtel de sel. Si, si, vous avez bien lu, un hôtel de sel. A part les fondations, le toits et les douches (...) tout est en sel : les murs, les tables, les chaises, les lits, le sol. C'est non seulement assez impressionnant mais aussi rassérénant. On se sent bien dans cet univers. On dormira d'ailleurs tous magnifiquement bien en se réveillant en très grande forme pour aller voir le clou de cette ballades . les Salar d'Uyuni, 12000 km2 de sel recouvert quelques fois de quelques centimètres d'eau. L'épaisseur de la croûte est de 6 mètres. Du moins la première car en dessous ce sont près de vingt mètres de sel et d'argile qui se succèdent. Nous roulerons pendant des kilomètres sur cette surfaces inimaginable où le ciel et la terre se mélange dans des teintes bleues et blanches sans limite précise. Nous avons l'impression de voler, de naviguer, nous ne savons plus trop où nous sommes: Les montagnes alentours, posées comme des mirages, servent d'amers. C'est une expérience que je souhaite à tout le monde. Je n'arrive toujours pas à croire que j'ai vécu ça. Ça tient du rêve, de la magie, de l'illusion. Personne ne peut revenir indifférent d'un tel lieu. Le soir et le lendemain à Uyuni, en en parlant, on n'en est pas tous revenu... Étonnement le Salar de Uyuni n'est pas inscrit au Patrimoine de l'Humanité (c'est le plus grand au monde et le plus préserver). J'ose à peine soupçonné les réserves de Lythium non exploitée qu'il y a en dessous... L'inscription ne permettrait pas de les exploiter à l'avenir...
Je suis à présent à Potosi, au nord ouest de Uyuni. C'est la Bolivie. C'est très différent de tout ce que j'ai vu jusqu'à maintenant. L'Europe, très présente, en Argentine comme au Chili, est presque complètement disparu si ce n'est par la langue...
A tout à l'heure
PS : Merci beaucoup pour tous les commentaires sur le blog et par mail. C'est toujours bon de savoir que ce voyage, acte totalement égoïste, est partagé au moins pour partie. L'important est impartageable, il se vit...
Si je peux me permettre de vous conseiller un petit livre, c'est L'éloge de la Fuite de Henri Laborit. Ça date de 1974 mais c'est toujours d'actualité. Il m'a fait beaucoup avancé dans la compréhension de ce monde et de la vie...
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