je vais faire un petit tour

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mardi, septembre 19, 2006

Les étoiles du Petit Prince

C'était une nuit. Je n'étais pas perdu dans le désert. Mon avion n'était pas en panne. D'ailleurs, je n'ai pas d'avion. Le désert était la mer des Caraïbes. L'avion, un joli catamaran. C'était l'heure de mon quart. Chacun était parti se coucher. L'alizé nous passait ardemment. Puerto Cabello allait être atteint avant la moitié du lendemain. Sur le pont, il n'y avait que moi et un petit bonhomme qui voulait me seconder dans cette épreuve. Il avait fait une petite sieste un peu avant pour être sûr d'être en forme pour sa mission. Nous étions assis l'un à côté de l'autre sous la voûte étoilé, bien tranquilles et détendus. Aucune barcasse lumineuse sur l'horizon n'allait nous déranger. Nos esprits étaient alors totalement libérés.

Enfin, celui du petit blond un peu moins que le mien. Le flot de questions qui accompagne ses journées était encore plus présent en ce moment d'intimité sécurisante. Ses questions fusaient, sur le bateau, la vitesse, la grandeur des océans, la vitesse la plus élevée que j'avais atteinte sur l'eau, le plus gros voilier sur lequel j'avais embarqué, le plus grand océan que j'avais traversé (savoir que c'était le même que lui nous a rapproché encore un peu plus?), quels bateaux je préférais. Bref, un tas de questions auxquels j'avais répondu déjà plusieurs fois mais qu'il reposait, je crois, pour être sûr que la réponse était bien sérieuse et qu'il ne s'agissait pas d'une de ces man?uvres d'adulte pour esquiver une réponse embarrassante ou sans fondement.

Puis, vinrent les questions plus profondes, de celles qui nous font nous demander ce que l'on fait là sur cette jolie terre. Nous avions fait une pause dans la conversation pour un petit tour infructueux d'horizon visuel. Lui vint alors une affirmation à laquelle il n'y a rien à rajouter : «  Je connais la plus grosse étoile qui existe mais je ne sais plus son nom et je ne sais plus où elle est. Je crois que c'est la bergère. L'autre fois, je l'ai cherché pendant ¾ d'heure. » Aussi pédagogue que je le pouvais, je l'ai corrigé en lui disant qu'il s'agissait de l'étoile du Berger et qu'elle était là juste au-dessus de nous. Il reconnut très bien la bergère. Et là, lui vint l'idée de me parler de la taille des étoiles grandes comme une phalange de sa main, comme le bout d'un ongle et pour les plus grosses, à peu près comme son poing.

Là encore, je lui explique qu'en fait, elles sont beaucoup plus grosses mais que, comme elle sont très loin, on les voit toutes petites. « Mais, elles sont grandes comment ? Comme le bateau ? » « Beaucoup plus grande, comme le soleil ! » « Oui, ben le soleil, il est grand comme ma main? » « Il est beaucoup plus grand que ta mains le soleil. Il est beaucoup plus grand que la terre. Mais, comme il est loin, on le voit plus petit. » Petite pause, puis : « Mais le soleil, il y a des gens dessus, des animaux, des arbres ? » « Non, c'est une énorme boule de feu, un peu comme un barbecue géant (je pense que c'est l'utilisation, la veille, du barbecue du bord qui m'a fait penser à cette comparaison saugrenu?) » « Oui, mais si c'est si grand que ça, ça peut même pas être un barbecue de géants, ils sont beaucoup trop petits. »

Nouveau tour d'horizon pour casser un peu le rythme des questions, puis il revint à la charge. « Mais les étoiles, on peut y aller ? » Là, j'explique que non, que d'un c'est très, très loin et que de deux, il n'y a pas d'air tout là bas. « Ah bon, faut être cosmonaute alors? » « Je crois bien que c'est encore trop loin pour les cosmonautes. Il est alors resté dubitatif un moment en regardant rêveusement le ciel. Puis, il m'a regardé en me disant que ce devait être plus loin que la lune certainement puisque la Lune était plus grosse que les étoiles. Je lui dis qu'effectivement, elles étaient plus loin que la lune mais aussi que la lune était plus petite que la terre et que les étoiles devaient être certainement plus grandes. « La lune, elle est grande comme la France et la Chine ensemble ? » Je lui répondis par l'affirmative ne voulant pas me laisser embarquer dans des comparaisons sans fin.

Puis, arriva la petite lueur sur l'horizon, le bateau salvateur qui me permit de m'évader lâchement de ce flot gentil et agréable d'interrogations naturelles. Mon petit Prince s'allongea doucement, les yeux ouverts en regardant les étoiles. Certainement était-il en pleine conversation avec elles. Puis il remonta la serviette de bain qui lui servait de couverture sur ses jambes, souffla un grand coup puis ferma les yeux pour aller se baigner librement dans cet océan lumineux avec des toiseurs habillés en cosmonaute expliquant aux géants que le barbecue était trop grand et trop loin pour eux et qu'il fallait trouver une autre solution pour faire cuire leurs saucisses aux poireaux.

A tout à l'heure

 

Au fait savez-vous ce qu'est la berckandise ? C'est quand on est obligé de reprendre ou de finir quelque chose que l'on n'aime pas?

Ah, autre chose. Nous étions avant-hier le 17 septembre. Cela faisait exactement un an que j'ai soulevé le pied pour la dernière fois   du sol français. Ce n'est qu'une date, forcément sans importance. Le 17 septembre 2005, c'est du passé. Et puis mon voyage, ça fait beaucoup plus longtemps qu'il est commencé, un chemin de passant qui est devenu plus palpable ces derniers mois mais qui dure depuis plus de 41 ans?

4 Comments:

  • bon mon petit patrick au bout d'un an encore la tete dans les etoiles ici on grand pavoise alors pour rester dans le ton, dessine nous un bouchon !c'a m'evitera de le faire, a bientot

    By Anonymous Anonyme, at 10:48  

  • bon, ben moi c'est en lisant un article dans Le Monde daté d'aujourd'hui que je repense à ton épopée et tes périgrinations dans les montagnes andines ... il est dit dans ce noble papier que le réchauffement de la planète et la baisse de l'enneigement dans toutes les montagnes du globe entrainera à court terme (50 ans) des sécheresses accrues et des problèmes d'irrigations et d'érosion dans toutes les cultures montagneuses ou directement soumises aux massifs de leur quartier... et que le fait de nous accorder un peu de poudreuse supplémentaire à Avoriaz le 10 février devrait suffir à poser pbl au vigneron du Beaujolais le 15 septembre suivant ...(si j'ai bien compris et en extrapolant)!!
    Donc bravo, continue à nous faire prendre conscience que la Terre ce n'est pas seulement passé le coin du Bvd Victor ou du Cours des Quais mais que nous sommes comme toi accrochés au même petit bout de caillou entouré de flotte !! Puisse ta prose nous aider à supporter les sarkoseries et autres jospinades, en attendant le mois d'avril qui nous promet plus d'un poisson !!!
    Merci encore et à bientôt te lire encore ... mes humbles hommages au Petit Prince qui nous plonge dans de délicieuses réflexions philosophico-métaphysiques.
    Gwenn de La Trinité

    By Anonymous Anonyme, at 20:21  

  • réflexion très intéressante
    Et voyages tès plaisant
    merci au "petit prince" et à "super tonton"

    emilie (nièce) et son "petit prince" sylvain

    By Anonymous Anonyme, at 09:05  

  • cela fait 4 mois que nous sommes de retour et pourtant nous n'avons pas oublié ces rencontres de voyage...
    Un petit tour sur ton blog pour voir où le voyage t'as mené et te lire avec plaisir.
    Le problème quand on rentre, c'est qu'on se dit:"on repart quand?"...Même si le voyage est dans la tête, pouvoir le vivre lui donne toute sa dimension.
    Navigue bien et continue de nous faire rêver.
    Deux taxeurs du guide du routard quelque part en Bolivie,
    Cécile et Fred

    By Anonymous Anonyme, at 14:29  

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