je vais faire un petit tour

www.flickr.com

vendredi, septembre 01, 2006

J'aurai pu...

J'aurai pu vous parler de la petite île de Cubagua redécouverte. La première fois, ses habitants étaient rentrés chez eux. Là, nous avons échangé. Un peu de pain, des sourires, des crabes, de la chaleur, un coucher de soleil. Une balade vers le phare passant par un ancien marais salant. Une pointe de roche déchiquetée dominant la mer.

J'aurai pu vous parler du calme d'El Oculto. De ces flancs de collines ondoyant de plusieurs verts rassérénant. De ses tombants de coraux multicolores avec ces anémones timides qui se cachent quand on veut les caresser. D'une petite plage qui égayent ses rives de mangrove. De ses grains dessalant et revigorants. Du premier bord de Tom, seul à la barre de Petit Citron Vert, l'Optimist du bord, et de celui de Tim mais accompagné, qui ne pensait qu'à faire des zigzag parce que c'est rigolo. De ses aubes et de ses couchers de soleil qui nous emplissent de tant d'énergie vivifiante et nous font penser que la vie est une plénitude. De cette musique du silence tellement rare dont je m'imprègne allongé dans le trampoline.

J'aurai pu vous parler du marché de Santa Fé. De tous ces sourires croisés. De ses étals de fruits, de légumes, de poissons frais. De cette terrasse de café sur la plage devant GCV avec ses jus de fruits frais.

J'aurai pu vous parler des deux îles Arapos, surtout de leur mouillage qui se niche entre elle, entre les jambes du M de Mac Donald ou le W de Water Closet, suivant l'endroit d'où l'on se situe, que forme la barrière de corail. De la micro île à quelques encablures avec son restaurant abandonné, nouvel habitat des crabes. De la pêche infructueuse avec un casier bricolé avec une bouteille en plastique qui a fait réveiller avant l'aube Tim et Tom « pour aller voir si on avait pêché ». De son énorme orage qui déchirait le ciel et des 250 litres d'eau récupérer pour remplir les réservoirs, nettoyer et rincer les habits. Des rayons de soleil qui ont suivi et qui ont séché les peaux. De cette lumière irréaliste à la fois purifiante et libérée.

J'aurai pu vous parler d'un quart de nuit au moteur avec un p'tit bonhomme qui pendant trois heures n'a pas arrêté de parler, tellement heureux de pouvoir partager ses peurs et ses interrogations face à la vie.

J'aurai pu vous parler d'une île au nom évocateur de flibuste. De son mouillage calme. Des quelques baraques de pêcheurs qui la tapissent. De la posada archaïque de José, seul habitant à l'année de l'endroit et ce depuis plus de vingt ans - «  para disfrutar? »-, et qui risque d'être expulsé parce qu'un promoteur privé a réussi à convaincre l'état vénézuelien que Tortuga pouvait être un magnifique centre touristique de luxe. D'un catamaran français qui s'est échoué sur les coraux une nuit de juillet et qui donnera peut être son nom au récif.

J'aurai pu vous parler d'une longue langue de sable d'un blanc éblouissant. D'une langouste interdite dégustée et appréciée en deux fois. D'un petit tour en Optimist à la rencontre des pêcheurs et du lieu. De l'enterrement des déchets organiques avec les matelots pour donner à manger au seul cocotier de l'île. De la bataille d'eau et de sable qui a suivi. D'une belle méditation face au déferlante sur la plage côté est. De l'eau turquoise tout autour du bateau. D'une rencontre riche avec un couple de Marseillais sur un bateau que je connaissais.

J'aurai pu vous parler d'une marina sans âme et étouffante. De quelques mouvements de Tai Chi Chuan qui m'ont redonné des sensations oubliées. D'un massage chinois tonique et terriblement efficace. De jeux dans une piscine et de grands éclats de rire. De la rencontre de l'ancien consul du Venezuela au Chili avec qui j'ai parlé de cette belle île de Chiloe. D'un passeport renouvelé pour rester ici encore quelques temps.

J'aurai pu vous parler d'une arrivée de nuit dans un mouillage entre des falaises. D'un semi échouage sur du corail. D'un déséchouage à l'aide de l'ancre secondaire. D'un grand soulagement de tout l'équipage. D'un réveil en se disant que l'on était fou d'être arrivé de nuit ici?

J'aurai pu vous parler d'un quart de fin de nuit superbe. Des étoiles au-dessus du bateau. Des coques qui partaient au surf. D'une aube nouvelle et ensoleillée. De deux loustics qui sont venus me rejoindre. De dauphins qui nous ont souhaité une bonne journée en jouant avec les étraves et en faisant des acrobaties devant nos yeux émerveillés. De l'arrivée sur l'archipel des Roques par la passe sud-est entre les coraux. D'un goulet sans issus dans les coraux d'où il nous fallait sortir. D'un mouillage venté mais où l'on se sent bien se reposer. D'un barracuda de plus d'un mètre qui, dans un ultime effort en voyant de près l'arrière de GCV, a retrouvé sa liberté sauvage.

J'aurai pu vous parler de mille autres choses depuis que je suis sur le bateau. De longues discussions au clair de lune sur le trampoline. De messages de vie. De nettoyages de coque éreintant mais tellement satisfaisant. De petits plats préparés au feeling et qui ont l'air de satisfaire les papilles de l'équipage. De Chi Kong matinal introduisant dans le sourire chaque journée. De grandes rigolades parce que la vie, c'est rigolo. De longs moments à regarder simplement la mer dans toute sa diversité. De la joie de sentir le vent dans les voiles et la mer glissée sous les coques. Du bonheur de ne pas s'inquiéter du lendemain qui sera de toute façon meilleur puisqu'on le souhaite. De cette sérénité qui me permet de commencer à écrire et dessiner sur un voyage qui n'est pas fini mais qui a besoin d'être couché sur le papier pour laisser la place à ce qui va venir. De penser à ceux, celles et ce que j'ai laissé de l'autre côté de l'Atlantique, avec un petit pincement au c?ur mais sans regret.

J'aurai pu vous parler de tout cela. Et puis je me suis dit qu'en cette période de rentrée, de pré campagne présidentielle où chacun va défendre son candidat préféré avec autant de passion que de mauvaise fois, sachant bien au fond de soi que, de toute façon, rien ne changera, d'embouteillage toujours plus dense, de pollution urbaine toujours plus pesante, de visages tristes que l'on croise à chaque instant sur les trottoirs, de grisaille qui va envahir le ciel et arroser les rues avec l'automne. Oui, je me suis dit que ce n'était pas raisonnable, pas très gentil non plus pour vous. Je me suis dit aussi que vous aviez dû passer de bonnes vacances, même si elles se conjuguent aujourd'hui au passé et que vous pourriez peut-être me les raconter. Il doit certainement y avoir de belles soirées à discuter sous les étoiles entre amis, de jolies balades dans la nature à respirer profondément la vie, de repos bien mérité, de grandes rigolades avec les mômes qui doivent grandir à vitesse grand V.

Après tout, ça fait bientôt un an que je raconte. On pourrait peut être échanger, partager? Non ?

A tout à l'heure

1 Comments:

  • prendre le temps, se rendre compte du temps qui passe, de sentir, vivre le moment présent! Voilà ce qu'il nous faut pour réussir à te raconter

    By Anonymous Anonyme, at 17:23  

Enregistrer un commentaire

<< Home